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La nuit est faite pour dormir

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Vous êtes en quête de réconforts ?

Alors ne lisez point ceci…

Deux heures du matin. Il y a cette mélancolie qui revient doucement prendre place dans mon âme. Je me sens vidé, las de toute chose. Mon désemparement n’a d’égal que le silence de la nuit. Il y a cette petite voix qui me dit de regagner mon lit, qu’il serait mieux que je tente de me rendormir, mais je sais que je ne l’écouterai point. Mon cœur est lourd, mais il n’a point envie de se reposer.

« Je vous conseille la prudence, ne restez pas en Haïti. » Il y a les paroles de cet homme dans cette vidéo enflammant la toile des réseaux sociaux qui revient me hanter, une fois de plus. Il parait un peu dérangé mentalement, un peu comme nous tous dans ce pays d’ailleurs, mais il dit vrai. Il ne fait pas bon de vivre en ce moment sur ce coin de la planète.

Mon pays va mal, et moi avec. Dehors, depuis tantôt huit semaines, il y a toute une nation qui lutte, avec acharnement, pour renverser un système, construit sur des fondements d’injustice et d’inégalité. Dehors, c’est une nation qui veut la tête d’un seul homme, aussi résistant qu’un mòpyon décidé à ne pas partir. Dehors, c’est le temps qui passe, ce temps qui ne reviendra plus. C’est aussi le sombre récit d’un peuple qui se perd dans sa rouge colère et dans le dédale de ses excès.

L’espoir est malsain, surtout dans un pays comme Haïti. Le souhait d’un lendemain meilleur, l’attente d’une meilleure condition de vie. L’espoir peut tuer un homme, le ronger jusqu’à le faire sombrer dans une tendre folie. Ce pays nous apprend à ne pas nous faire de fausses idées. Demain ne sera guère meilleur qu’aujourd’hui. Demain sera plus triste et plus macabre. Demain sera laid, demain, les gens continueront à sévir dans la même merde, boiront cette même eau et mourront des mêmes maladies. Demain n’a aucune prétention de faire bien mieux qu’aujourd’hui. Ainsi se déroule la triste, morne et monotone poésie d’une société mangeuse du courage d’hommes et de femmes dévoués à faire de leurs mieux, qui n’aspirent qu’à un tout petit peu de sérénité dans leurs quotidiens. Ce pays vous conseille la prudence, ce pays vous invite à ne pas y rester.

Le jour, je déborde d’énergie, revigorant et optimiste, je reprends foi dans la vie, la nature a toujours ce côté enchanteur et mystérieux, les gens sont toujours aussi blasés, ballotés par la triste condition humaine, mais vous sourient largement. C’est ce qu’on les a toujours appris à faire. Dénier et sourire. Et donc le jour, je me surprends même certaines fois à sautiller. J’apprécie l’art et je me reconnais encore dans les paroles portées par la voix mélodieuse de Otis Redding. J’essaie de voir le côté positif de toute cette pagaille.

Si seulement était-il aussi possible de mentir à la nuit. Si seulement elle ne savait pas tout. Si seulement ne voyait-elle pas aisément nos âmes desséchées et malades. Si je pouvais, je lutterais aisément contre ce vaste gouffre qui s’installe en moi tous les soirs et qui m’ordonne d’arrêter de faire semblant. Je dirai à me déprime de s’éloigner de mes pensées. C’est dans la noirceur de la nuit que réside la vérité dans sa forme la plus pure. Elle nous connait, tel que nous sommes vraiment. Elle voit nos conditions d’hommes et de femmes apeurés, prêts à tout donner pour une vie meilleure que celle que nous vivons. Point de secret pour la nuit, elle qui a pris vie avant toute chose. À quoi bon d’essayer de la mentir, nous périssons tous, lentement, mais sûrement. Et elle le sait.  

La nuit est faite pour dormir. C’est ce que m’a dit mon père la semaine dernière. Mais je suis persuadé que lui non plus le soir n’arrive à trouver son sommeil. De ma chambre, je peux l’écouter murmurer avec amertume dans la voix quelques versets du livre des psaumes. Il prie pour un nouveau soleil, il prie pour nos vies qui s’effritent, il prie pour son fils qui ne va pas bien.

À quelques égards, ce que je dis peut paraitre bien étrange à certains, mais c’est le sentiment que je ne suis pas seul dans toute cette débâcle qui m’aide à ne pas commettre l’irréparable. Je suis bien foutu, mais au moins je ne suis pas le seul désespéré à lire son nom dans le tableau des misérables…

Pradley V. Vixama

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4 commentaires
  1. Spender dit

    Bravo antouka mw swete w pa touye tèt ou

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