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Mari sur gages

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 Une somme exorbitante. La dote. Il l’a déjà encaissé c’est ce qu’il m’a dit. Je  dois à tout prix me marier avec celui qui a versé cette somme.

 Un Gwosiwo[1]. Un Gwopo[2]. Il ne m’a jamais courtisée. Il ne jure que par ses biens. « Je suis riche et tu n’as rien. Je ne te demande rien de plus que de m’aimer. Je te donnerai tout. »J’ai été profondément blessée par ses propos. « Je n’ai rien pour l’instant mais je ne veux pas de ton argent salopard ». Je retiens ma main de justesse pour ne pas lui coller une gifle bien sonore entre le wè et le tande[3]. Il m’a souri narquoisement avec la barrière qui lui sert de chénèt[4]. Franchement l’espace entre ses dents c’était abusé je vous jure. Son crâne est chauve d’une manière à ce que même le soleil miroite sur sa tête.

« Je finirai par t’avoir peu importe le prix à payer ». C’était sa promesse. Je n’ai jamais pensé qu’il la tiendrait.

Je n’ai jamais pensé que j’avais un prix aux yeux de mon père. Ma mère est morte à ma naissance. Il m’a élevé seul. Il m’a aimé comme il aimait ma mère et même bien plus encore. Il m’a tout donnée. Mais j’avais un prix et ce connard lui a versé une somme en mon absence et il l’a accepté comme gendre alors qu’il ne m’a jamais fait de demande. La putain de dote.

Je revenais du petit démêlé que j’ai, fatiguée et toute crasseuse. Avec l’insalubrité de Port-au-Prince c’est impossible de ne pas attraper des bactéries. J’ouvris la porte de notre maison (mon père et moi), bizarrement j’entendais deux voix discuter. Ils étaient dans le salon, la porte n’était pas complètement fermée, je passai rapidement sans prêter attention à la conversation. Après un brin de toilette, je revins toute propre pour saluer mon père et qui est ce que je vois avec lui?

 

Découvrez l’article que MagHaiti a écrit sur la Pergolayiti>> http://www.maghaiti.org/un-pas-de-plus-pour-le-collectif-pergola-ayiti-vers-le-numerique/

 

Le Gwosiwo.  J’ai failli m’évanouir avant la nouvelle qui allait me briser. J’embrassai mon père et lui lança un bref salut. « Ma fille chérie tu me caches des choses hein. Fallait me dire que tu t’étais trouvé un futur mari ». Mais c’est quoi ça? Comment a-t-il osé?

Mon cerveau s’est barré. Je me suis retrouvée sans voix. Et mon père a dû se dire que je voulais lui faire la surprise. Il m’a souri : « Je te pardonne ma chérie je suis heureux pour toi. Cet homme est charmant ». Alors là papa tu n’y es mais vraiment pas du tout. On n’a pas la même définition de charmant crois-moi. Tout se passait dans ma tête, j’étais tellement outrée que j’ai lâché un NON! Monumental qui laissa mon père dans l’incompréhension.

– Il ne m’a jamais fait de demande en mariage. Il n’a pas mon consentement papa.

-Il n’a pas besoin de ton consentement il a le mien Joséphine. »

-Rends-lui cette foutue dote papa. Je ne l’aime pas. Je travaillerai dur pour te donner une somme pareille.

-Quel travail Jo? Tu vas te marier et c’est tout.

Il se tourna vers le salaud lui serra la main en lui disant : « Bienvenue dans la famille mon fils. »

 Son fils? Cet homme qui fait à peu près son âge. Le proverbe haïtien « Lajan fè Chen danse[5] » a pris tout son sens pour moi à cet instant.

Dites-moi que je rêve je vous en prie.

Le jour du dit mariage arriva. Dans mes rêves, ç’aurait dû être un beau jour, ç’aurait dû être même le plus beau jour de ma vie. Et pourtant dans la réalité je passai la matinée à pleurer au lieu de me pomponner gaiement. C’était interminable. J’entendais mon père mentir : « Oui elle l’aime et lui a tout de suite dit oui, ils forment un merveilleux couple. » Mon cul ouais!

Je jouai le rôle qu’il m’a affublé. La mariée tellement heureuse qu’elle pleure. Les gens ne savaient pas que c’était des larmes de détresse. Ils me trouvaient mignonne à pleurer pour ce vilain.

La nuit de noces dont je n’ai jamais rêvé arriva.

Je portais une robe fleurie à bretelles. « Une vraie beauté naturelle » disait-il en me regardant comme le prédateur qu’il est. Dégoûtée je reculai. « Comment tu as pu me faire ça ? »

-Je t’aime c’est pour ça. J’éclatai d’un rire carnassier en le toisant.

-Je ne t’aime pas. Combien de fois vais-je me répéter avant que ça fasse tilt dans ton mini cerveau?

-Si moi je t’aime ce n’est pas grave.

Non mais franchement il écoute ce que je lui dis ou pas?

-Il ne faudra rien dire quand je demanderai le divorce.

Son regard se fit menaçant : « Jamais tu ne demanderas le divorce. »

-Sinon tu vas faire quoi, me ruer de coups lui demandai-je en haussant le ton ?

Il me poussa violemment sur le lit et déchira ma robe.

-Espèce de fou! Qu’est-ce que tu fais ? Lâche-moi criai-je.

« Je vais te montrer qui est l’homme et qui prend les décisions bò isit[6] la ».

La nuit de noces.

La nuit d’horreur.

Lire également>> Ave ma reine

JEAN Rashmi Ruth Djinah


[1] Un goujat

[2] Un goujat

[3] Une gifle magistrale

[4] Diadrème

[5] L’argent est un maître chanteur.

[6] Dans cette maison.

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1 commentaire
  1. Mahma dit

    Ce texte laisse beaucoup a imaginer. Accepter finalement de ( soi-disant) marier avec le salopard, est-ce par le pourquoi du père convoité par la dote? Ou du moins obéi pour faire plaisir au père par amour…?

    Mes félicitations?

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