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Je suis seule

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Je suis seule

Il est 3h du matin et je suis assise sur une chaise dans la salle à manger. C’est toujours cette chaise, cette pièce, à croire que ma solitude passe mieux ici. De là où je suis, je peux tout voir, du matin au soir, mais je préfère largement les soirées. Une fois j’ai vu un homme se réveiller entre les 2 à 3h du matin, pénis en érection, demandant à sa femme de lui mettre un doigt, le genre de trucs qui arrivent qu’au voisin d’en face, de là je vois tout…

Cette pièce me donne le sentiment d’avoir le contrôle sur quelque chose, sur ces personnes qui ne m’ont jamais vu, sur leurs enfants qui sortent en douce pour des parties de jambe en l’air qui leur permettent d’échapper à quelques minutes de solitude. Je ne vis pas dans une grande maison et j’ai peu de choses. Je n’ai jamais eu grand-chose à part mes quelques livres à emporter de là où je vais, mes paires de basket usées, mes écouteurs, quelques crayons et des feuilles de papier, je ne possède rien d’autre, rien dont j’ai envie qui soit vraiment à moi.

Je me retrouve toujours assise devant cette fameuse fenêtre au bois inhabituel quand je n’arrive pas à dormir, la seule différence cette fois c’est que ce soir, il pleut. C’est fou les choses auxquelles on peut penser quand on est seule face à soi-même, les choses que l’on peut se dire dans le noir, dans ce silence infligé par la peur de prendre une décision, de faire un choix, de dire quelques mots, de faire un geste ou tout simplement d’aller de l’avant. Je suis seule et j’ai peur.

J’ai peur de vraiment aimer ça, la solitude. J’ai peur d’adhérer à l’idée de fêter mes 70 ans, assise sur cette même chaise, devant cette même fenêtre de bois verni de couleur marron, toute seule. J’ai vu des choses au cours de ma courte existence, j’ai vu des gens s’aimer tellement fort que leur amour a fini par les briser, j’ai vu des gens se détester pour des trucs futiles, j’ai vu d’autres s’abandonner parce qu’ils étaient trop fiers pour admettre qu’ils avaient tort. J’ai vu des gens aller jusqu’au bout de leurs rêves, d’autres abandonner à mi-chemin. Certains m’ont vraiment aimé, m’aiment encore, d’autres pas vraiment, j’ai senti des regards trancher ma peau comme des lames de rasoir. Parmi eux il y a ceux qui m’ont aimé de loin, en silence. Aucun d’entre eux n’a su me faire oublier ma solitude quotidienne, aucun d’entre eux ne m’a poussé à bout pour abandonner ma peur de l’abandon. Je ne peux me sentir à la hauteur de tout ce qu’ils pourraient me demander, je ne suis pas prête d’abandonner mes journées, mes nuits de silence continu, agréable face à ces quelques minutes de rires faux, de câlins forcés, des caresses obligées.

Ma solitude, j’ai peur qu’elle soit là pour toujours mais c’est tout ce que j’ai face à ces promesses volatiles et je l’apprécie. En dépit de tout, ma compagnie ne m’effraie pas, je n’ai pas peur de ma respiration, de mes démons du passé, je n’ai pas peur d’entendre les grincements de ma gorge quand je vais avoir la grippe, je n’ai pas peur d’entendre les grondements de mon ventre quand j’ai trop faim, je n’ai pas peur de me lever pour aller pisser parce que je sais que ma chaise sera encore là à mon retour tout comme cette solitude que je ne cherche pas à comprendre ni à combler. Je l’accepte, et au moins elle, je sais qu’elle sera toujours là, avec moi.

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Kélida Pierre

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3 commentaires
  1. Leysha Claendjie Kimara Jeune dit

    Ce texte est juste unique!

  2. ORâ dit

    J’aime bien ce texte, je m’y retrouve un peu.

  3. Kelsseau.C dit

    Jolie text Kelss🥰

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