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La nuit tous nos démons font du bruit

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La nuit tous nos démons font du bruit

La nuit tous nos démons font du bruit, une histoire qui se passe en 2004

La nuit du coup d’état du docteur-prêtre en 2004, orchestré par les putschistes d’antan, le gouvernement américain, une partie des plus riches haïtiens, des intellectuels et des membres de l’Église, auxquels se joignent la masse qui ont perpétré des violences un peu partout à travers les rues, le blackout fusait de toutes parts que les ténèbres en devenaient palpables. Telle une ombre qui se glisse avec sa longue cape à capuche de maison en maison et de rue en rue. La peur qui y régnait donnait froid au dos. Dehors, sur les autoroutes c’était l’horreur, le silence retentissait à en perdre haleine et quelques fois troublé par une plainte étouffée, un cri sec ou un corps qui s’affale sans vie. Les trottoirs dégageaient une forte odeur d’angoisse, un mélange de pneus brulés et de sang séché dû à quelques homicides par des fanatiques du pouvoir, les rat pa kaka, des fanatiques de l’opposition, les actes de pillage enregistrés et les violences perpétrées laissaient à qui le désirait, se demander de l’haïtien à l’haïtien qui est finalement responsable du sort de chacun sur ce morceau d’île, sur toute l’étendue du territoire, du nord au sud, d’est en ouest.

Dans mon quartier, village du Sourire, aucune âme ne semblait y vivre. L’image que me renvoyait la nuit par la fenêtre de mon petit taudis était d’une consternation effrayante. L’impression qu’on est devenu un immense cimetière ne me quitta point l’esprit. L’heure s’écoulait d’une lenteur à en faire perdre la raison, à l’horizon le jour ne semblait plus vouloir venir, croyant pouvoir nous cacher de la terreur de nous-même. Moi j’attendais! L’espoir, cette petite étincelle qui me faisait croire qu’il pleuve, qu’il tonne, qu’ils tuent, innocents ou capables, que lui viendrait quand même ce soir se lover contre ma chair, comme tous les autres soirs.

Lui c’est une femme et cette femme c’est mon homme. Le jour, elle faisait office de meilleure amie, de bonne voisine et de commère inséparable. La nuit, elle était mon homme ! Celle qui avait un pouvoir intense sur mes sens. Avant notre rencontre, elle avait réussi à fonder une famille. Elle avait un mari, un salopard du type A qui fréquentait toutes les boîtes de nuit de la ville. Le soir quand il rentrait tard la gueule aux abois par le taux d’alcool ingurgité, il prenait Ley pour Jésus ou Dieu à qui il venait confesser tous ses péchés, d’autres fois, il la frappait, la violait. C’est ainsi qu’a commencé notre liaison secrète. Un soir de décembre à la veille de Noël, elle avait accouru jusqu’à ma porte, son fils de quelques mois dans ses bras, son visage couvert de bleus et déformé par la douleur.

J’ai soudain eu cette envie de prendre soin d’elle. Je lui ai ouvert ma porte pour la nuit et j’ai pansé ses blessures. J’ai couché son fils puis elle s’était mise à me raconter dans un long monologue tout ce qu’elle subissait avec cet homme qui jadis avait-elle vécu avec un amour à nul autre pareil. À un moment donné, je ne l’écoutais plus. Je contemplais ses lèvres en forme de cœur se mouvoir dans une danse sensuelle et ses yeux qui brillaient de larmes. Impulsive que je suis, je l’avais embrassée. Son hoquet de surprise et le goût salé de ses lèvres sur les miennes avaient tisé une flamme à l’intérieur de moi. J’avais vite deviné que si cela continuait ainsi, je n’allais plus pouvoir m’arrêter et j’allais devoir renoncer à beaucoup de choses pour vivre ne serait-ce qu’une seconde de ce qu’elle me faisait ressentir. Après ce baiser qui dura une minute ou deux, elle n’avait plus dit un mot et moi non plus. Le lendemain, elle était partie retrouver son foyer. 

Je ne savais pas ce qui se tramait dans son esprit, mais je n’avais eu pour toute récompense que son mépris. Le prochain épisode survint par un temps de pluie quelques mois après. Cette fois, elle n’était pas venue avec son fils. A ses vêtements trempés et déchirés, j’ai cru qu’elle venait partout ailleurs sauf de chez elle. Elle s’était baignée chez moi, je lui avais donné de nouveaux vêtements, l’avait mise au chaud et lui avais préparé du bon thé. Je ne voulais pas savoir ce qui était arrivé cette fois, j’espérais même qu’elle ne dise aucun mot. Elle était couchée dans mon lit et moi par terre. J’avais éteint toutes les lumières et attendais patiemment que sa respiration se fit légère afin de dormir à mon tour. Et c’est là que sa voix, comme un appel à l’aide, me supplia dans un murmure:

Voisine, viens m’embrasser!

Il était 22 heures maintenant et je décidai de me mettre au lit. Ce soir, elle ne viendrait pas! À cause des troubles politiques et sociales, son mari est sûrement resté à la maison cette nuit et son portable déchargé. Je perdais espoir quand j’entendis la clé tourner dans la serrure. Elle utilisait un bois-pin allumé pour éclairer ses pas. Elle portait une robe très courte et plus rien de spécial. Elle n’était pas d’une beauté à couper le souffle, mais la lueur orangée de la flamme rendait irrésistible son sourire. J’aimais aussi ses pieds où des bijoux ornaient ses chevilles. 

Je t’ai fait attendre longtemps?

– Beaucoup trop longtemps! 

Elle avait souri puis avait posé ses lèvres sur les miennes en me tenant le cou. Au début ce geste me faisait penser qu’elle pouvait être violente et aujourd’hui encore, parfois elle me donne l’impression de pouvoir m’étouffer en me faisant cela.

       –    Je vais te faire jouir pour me faire pardonner!

  • On va juste dormir ma chérie! Tu viens de baiser!
  • Jalouse? 
  • Non! Ça me rappelle juste qu’il y a un connard qui te prend en levrette.

Je la regardais qui enlevait sa robe. Elle ne portait qu’une dentelle en soi en dessous et ses seins pointaient vers moi. Je me levai de la chaise et l’attira à moi. Puis me rassis la faisant nouer ses jambes autour de ma taille. Je lui titillais les tétons, puis les suçais et ses plaintes refoulées me montaient en extase. Ley était délicieuse! 

– Tu sais madame? Avais-je commencé tout en continuant à la caresser avec ma langue!

– Non je ne sais rien chérie, ne t’arrête pas, tu me fais du bien!

– J’aurais aimé t’avoir rien que pour moi!

– Je sais chérie, moi aussi!

– Je suis sérieuse Ley!

Je savais qu’elle prenait à la légère ce que je disais et tout comme elle j’étais consciente de notre liaison impossible. Mon souci c’est que je ne voulais plus me réveiller un matin et savoir qu’elle n’était plus là, qu’elle ne serait plus là le jour suivant, qu’elle mettrait un terme à ses petites escapades la nuit, que je ne prendrai plus l’odeur de cannelle de son eau de toilette et que je ne verrai plus son sourire à la lueur orangée des flammes de bougies ou de bois-pins allumés. Je ne voulais pas être une erreur de plus à hachurer sur son tableau de bord. Je ne voulais pas devenir un souvenir trop longtemps qu’on finisse par en ressentir un dégout. Je ne voulais pas de beaucoup de choses, de sa vie en parallèle, de ses histoires. Je ne voulais que d’elle, uniquement d’elle et quelques fois même si elle ne l’osait dire, je savais que je n’étais qu’une échappatoire à l’enfer de sa vie.

On s’était levées, je l’avais traînée jusqu’à ma chambre. Elle m’avait déshabillée et m’avait retournée en levrette. J’avais écarté mes jambes, mon dos cambré, j’adorais quand elle me prenait ainsi, j’arrivais à avoir un multiple orgasme. Je sentais ses mains trop caressantes courir sur mes fesses, puis elle avait mis un doigt, puis deux, puis trois et faisait des vas et viens en moi. Je sentais mon vagin se contracter autour de ses doigts, elle les avait retirés immédiatement pour les remplacer par sa langue, j’avais déjà atteint un orgasme, puis un deuxième. Quand ce fut son tour, j’avais utilisé un déodorant pour la pénétrer, j’aimais lui faire ça! J’avais l’impression d’être aussi pour elle cet homme dont elle n’avait pas besoin de chercher ailleurs.

Quelques minutes plus tard, je la regardais dormir, allongée sur le dos, ses seins pointés vers le haut. J’allumai une cigarette et me rendit finalement compte que Ley était mon péché. Cette part d’ombre que je vis, cachée au regard des autres, croyant souvent que je suis la seule. Ley, c’est mon côté obscur, c’est mon vice dirait d’autre. Et le vice, chaque individu en avait un qu’il préservait ou qui somnolait en lui. C’était le moment je me disais. Il n’y aurait pas de meilleur. Ce soir, j’avais décidé qu’elle n’aurait plus d’autres histoires

Un vent glacial me fouetta le visage, il devrait être une heure ou deux heures du matin. Je traversai la ruelle menant chez Ley. Je savais qu’elle laissait la porte entrouverte pour quand elle rentrerait avant l’aube. Je savais aussi qu’elle endormait son mari le soir avec une forte dose de somnifères. Son fils n’était pas là ce week-end, elle l’avait laissée chez sa mère. Je me faufilai doucement à l’intérieur et sur la pointe des pieds, je mis quelques minutes à habituer mes yeux dans l’obscurité qui y régnait afin de me déplacer aussi légère que je le voulais en évitant les meubles. J’avais sorti mon canif et avançait prudemment vers la chambre dont un rideau pendait à son entrée. Une lampe était allumée sur une petite table basse et diffusait une pâle lueur qui dessinait des formes sur le mur. Je connaissais tous les coins et recoins de cette maison. 

La forme mince et inerte de son mari était allongée sur le lit. Sa respiration était calme et je m’approchai près de lui jusqu’à sentir son souffle sur mon visage. Marc était beau! Sa beauté n’avait rien d’innocente en ce qui avait fait chavirer le cœur de Ley. Je le connaissais Marc ! Je n’étais point parvenue à oublier son visage. Je gardais un souvenir de lui qui datait de mon adolescence, lui aussi en était un à l’époque. Marc était mon premier client, le premier à marchander de mon sexe sur un trottoir, lors de ma première nuit de prostitution. Il avait été dégoûté d’être tombé sur une novice, il avait été dégoûté d’être le premier à enlever ma virginité et il était parti sans m’avoir payé. Sans me jeter un sou. Marc a toujours été un salaud. Je posai mes lèvres sur les siennes, attendant une réaction de sa part. Je voulais qu’il me regarde, je voulais qu’il me sente, mais rien. Il n’avait pas bougé d’un poil. Je parcourus mon regard de la pièce et découvris des foulards accrochés à un cintre. L’un d’eux était un cadeau que j’avais offert à Ley.

Je pris quatre d’entre eux et attachai mains et pieds de Marc aux quatre coins du lit. Je baissai son pantalon et pris son membre entre mes mains et le porta à ma bouche. Je le tétais et le pris entièrement dans ma bouche, je le sentis se durcir et je ne m’arrêtai pas.

Ley! Laisse-moi dormir!  Il avait murmuré entre deux sommeils. Il semblait heureux et l’âme en paix dans ses rêves. Il devrait rêver de quoi? D’autres filles sûrement! Ley ne le méritait pas! C’était clair !

Je baissai le pantalon court que je portais et je montai sur lui. Je l’avais mis en moi et je commençai à le chevaucher. Il se tirait de son sommeil, voulant me tenir pour renforcer la sensation de mes hanches contre son bassin et s’enfoncer encore plus en moi. Il remarqua ses mains liées ainsi que ses pieds. Il perdit toute sensation aussitôt ainsi que son érection. 

Détache moi, Ley!

Je me levai en dessus de lui et enfonçai un foulard dans sa bouche!

Maintenant que j’ai toute ton attention, voisin, ce n’est pas Ley! 

Il écarquilla des yeux surpris, se demandant ce que je foutais chez lui à une heure pareille et où était Ley. Son regard se voilait d’une incompréhension totale. Je laissai échapper un sourire.

Ley dort paisiblement dans ma chambre, sur mon lit! Ça ne te regarde certainement pas mais je te le dis quand même! C’est pour elle que je suis là d’ailleurs…

Il répondait par des plaintes étouffées auxquelles je ne prêtai pas attention. Cet énergumène n’avait que dalle à me raconter.

Le 24 décembre 2003, tu avais frappé Ley jusqu’à lui laisser des marques au visage! Que t’avait-elle fait? Hein? Que pouvait donc bien te faire la belle Leyna pour la frapper à ce point hein? Le 14 février 2004, elle l’a échappé belle de tes griffes acérées qui ont déchiré ses vêtements, tu comptais lui faire quoi hein? Huit jours plus tard, elle accourut tard dans la nuit à ma porte encore couverte de blessures. Quel sacré coup de la marquer d’un M chauffé au rouge Leyna ton bétail! J’ai enregistré tes petits numéros Marc et ils sont dignes d’un film d’horreur!

Il n’avait pas cessé de remuer dans tous les sens. Il criait et le foulard avait atténué les bruits en des cris étouffés d’une bête blessée.

– Mais! Je dis bien mais!  Je voulais te remercier sincèrement, si 20 ans de cela je t’avais offert ma dignité en échange de quelques sous sur un bout de trottoir et que tu étais parti en la prenant avec toi, dégoûté et fier de ne pas m’avoir laissé mon pain. Aujourd’hui c’est une toute autre chose, je pouvais savourer ta femme, l’homme de ma vie, l’avoir dans mon lit à volonté et la laisser être enfin elle-même avec moi. Elle est belle Leyna, tu ne l’as jamais admirée ? Tu n’as jamais pris du temps de la dévorer des yeux avec ses iris couleur noisette et ses lèvres charnues, elle est l’effigie de la reine de Saba. Elle me fait perdre la tête Marc, tu n’as pas idée.

Ce même regard dégoûté me traversa comme une flèche et contrairement à la première fois je sentis une immense satisfaction. Je pris le canif que j’avais déposé près de la lampe et je remis mon pantalon!

Confesse tes péchés voisin, tu ne nuiras plus jamais à la santé de mon homme, ni à la santé de qui que ce soit!  Plus aucune femme ne sera dégoût et répugnance à tes yeux!

Je n’avais pas fini de parler que j’enfonçai le canif dans son cœur. Son corps rentra en transe, secoué de convulsions, comme une volaille qu’on avait passé un couteau autour de son cou. Je reconnaissais en moi un calme froid et platonique, je regardais son corps qui perdait vie petit à petit. Du sang coula de sa bouche pour s’échouer sur les draps. Je le détachai et avec la lampe, je mis le feu sur son lit. Avant que les flammes rejoignirent les autres pièces je sortis à pas feutrés jusqu’à chez moi. Je me glissai tendrement dans mon lit. Ley semblait dormir à poings fermés sur le côté, je l’enlaçai de mes bras, la serrai contre moi de toutes mes forces et lui embrassai la nuque.

Il a souffert Maeva?

– Leyna! Tu ne dors pas?

Elle s’était retournée face à moi. Mon cœur battait à rompre ma poitrine! Il faisait noir et c’était impossible de lire à travers ses yeux ce qu’elle ressentait! Me détestait-elle à présent ? Après tout je ne l’avais pas mise au courant au préalable. Cette pensée me traversait l’esprit depuis quelques jours déjà et j’avais sauté sur la première occasion qui s’était offerte à moi. Au départ, je tremblais que je puisse penser à tant d’absurdités. Je me convainquis que c’était pour une bonne raison, personne ne devrait subir des violences venant d’une autre, mais d’autre part en moi, quelque chose me disait bien que ce n’était point donc la raison pour laquelle je suis maintenant une meurtrière et je me confondis à chercher la bonne raison. Parce que j’aimais Ley et parce que Marc était horrible avec elle. Parce que j’aimais Ley et parce qu’à son tour elle ne pouvait plus se passer de cet homme malgré la souffrance qu’il lui faisait endurer. Parce que j’aimais Ley et que je savais qu’un jour ou l’autre, elle aurait à choisir encore une fois par amour et par obligation. Parce que j’aimais Ley et que je n’étais tout simplement l’opium de ses douleurs. 

– Je sais ce que tu viens de faire, je t’ai vue prendre le canif, je t’ai entendue sortir Maeva!

Sa voix tremblait légèrement et un frisson me parcourut l’épine dorsale. Et si elle partait alors que je faisais tout pour la garder près de moi

– Je ne suis pas désolée Ley!

– Je sais, moi non plus! 

– J’ai mis le feu!

– On trouvera bien un mensonge à raconter au lever du soleil!

Le cri du voisinage criant au feu retentissait. Mais c’était trop tard! Toute la maison était partie en fumée. Les flammes s’élevèrent jusqu’au ciel dans la nuit. Encore un crime que portait en fardeau les partisans ou les opposants du gouvernement, à chacun d’inventer sa version des faits et de trouver un coupable digne de cet acte. Le 29 février 2004 avant l’aube j’ai envoyé en enfer un homme pour rester vivante au paradis avec sa femme. Cette femme avec laquelle je m’illusionnais un amour vrai, vibrant de passions et que j’espérais vivre, cachée des préjugés de ce monde!

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3 commentaires
  1. Mahma dit

    Elle est captivante cette histoire. félicitacions! !!

  2. Woodley dit

    Ces images que ce texte a réussi à créer à travers mes pensées, c’était tout simplement beau.

  3. […] Lire aussi>> La nuit tous nos démons font du bruit […]

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