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Sur les rives du temps qui part.

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Sur les rives du temps qui part

Cette fin apocalyptique qui s’amène depuis l’horizon est tragique. Telle une horde de taons qui se disperse aux quatre coins de ce morceau de l’île, tout porte à croire que la barbarie en ces lieux se fait Dieu. La terreur et la violence s’érigent en maître et seigneur au quotidien de chaque âme qui vive. Leur âme s’effrite et la monstruosité qui l’anime, prend vit dans leur chair, en dessous de leur épiderme, dans chaque pore où se dressent leurs poils. C’est une belle histoire qui se désagrège depuis son essence. Et moi je suis là, à la vieillesse de ma jeunesse, le corps ridé et rempli de craquelures, je suis l’une des œuvres de Mozart que le temps malgré lui a abîmé.

Le regard lointain, Je visionne en mémoire au ralenti à tout ce que j’ai porté en moi, claudiquant sous le poids des années, traversant aussi faible que j’ai pu mes champs de bataille et de cris, mes océans de pleurs, mes abîmes de silence et mes montagnes de souffrance, je peux dire humblement que j’ai vécu. Depuis l’aube de ma première décennie, je figure sur la liste de proie du temps, martyrisée, violentée, celle parmi tant d’autres à qui on a enlevé beaucoup trop tôt l’innocence du bleu de la mer, l’horizon infini et la merveille d’un arc-en-ciel après quelques gouttelettes de pluie. Pendant que le temps faisait son chemin, hautain, insensible à mon sort, laissée pour compte.

J’ai connu l’exil, loin du cocon familial, laissant les terres ancestrales, trimballant un corps fébrile, maladif et vêtu de haillons dans des nuits frisquettes par-delà des routes sinueuses et rocailleuses. J’ai aussi connu la faim, l’énorme trou dans l’abdomen, les ballonnements dans le ventre ainsi que la soif. J’ai pleuré à chacun de ces moments, comme une alliance avec le temps pour me les rappeler à chaque fois que j’en avais besoin. J’ai vécu!

Je garde encore les cicatrices de mes deux seins amputés. Des traces obliques à leur place formant des vallées entre des montagnes inexistantes, là où mon lait n’a jamais coulé et ne coulera plus jamais. J’ai connu les caresses des yeux innocents déchirant mes entrailles en mourant. J’ai vécu! J’ai aussi vécu la joie, celle de la grande ville et de ses entrains, de ses rencontres inattendues et de ses amours frivoles. J’ai vécu des mondes de chaque âme, celle qui porte en elle des cris étouffés, des brins de rêve partis en fumée par des mangeurs d’avenir très gourmands. J’ai vécu l’amitié, le manque et surtout la mort…

Ce qu’il reste de moi, est comparable à cette ville. Vieille, une carcasse de souvenirs enchevêtrée au temps, éraflée à des endroits et écorchée à d’autres. Un fossé creusé, poussiéreux, un bassin d’espoirs asphyxiés sous des tombeaux d’immondices. Cette ville n’est qu’un vieux cimetière dans laquelle on agonise, on trépasse, et sur les rives du temps qui part en épitaphe sur ma pierre, inscrivez J’AI VÉCU…

 

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