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Nuit Blanche

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Nuit blanche

Je me retournai pour la énième fois dans mon lit. J’avais mal partout. Après une journée fatigante, je suis rentré chez moi en vitesse, dans l’espoir de dormir un peu et de me reposer, mais là, Morphée me refusait ses bras. Je mâchai des injures à l’intention du dieu grec. Là où il se trouvait, il devrait être rouge de colère.

Pour remédier à mon problème, j’essayai de compter les moutons. Dans les films, ça marchait toujours. Un mouton… Deux moutons… Trois moutons… Quatre moutons… Cinq moutons… Je comptais sans pour autant m’endormir. De toute façon, que les moutons aillent au diable. Je ne suis pas berger moi. Alors pourquoi m’amuser à compter les moutons comme ça ? D’ailleurs, depuis quand les moutons faisaient dormir ? S’il fallait compter quelque chose pour trouver le sommeil, ce devrait être les somnifères. Un somnifère… Deux somnifères… Trois somnifères… Quatre somnifères… Celui qui a inventé le truc avec les moutons est débile. Et con.

Trente somnifères… Trente et un somnifères…

J’étais toujours réveillé.

Entre l’insomnie et moi, c’était le grand amour. J’ai tout essayé, mais je ne dors que rarement.

Il se faisait tard. Très tard.

D’habitude, quand je n’arrivais pas à fermer l’œil, j’appelais Stéphanie et on parlait jusqu’à ce que nous n’en puissions plus, mais là, elle ne se sentait pas bien, et elle devait être en train de dormir. Elle m’a dit avoir pris des somnifères. Stéphanie était ma meilleure amie. Je la connais depuis toujours. On a grandi ensemble. On a fréquenté la même école. Dans la cour de récré, on nous voyait toujours main dans la main. On était tellement proches que les gens ont commencé à se poser des questions. Et pourtant, il n’y a jamais rien eu entre nous. Elle m’a toujours vu comme un ami. Moi aussi d’ailleurs. J’ai toujours été là pour elle, comme elle a toujours été là pour moi. Quand elle a eu son premier petit ami, un connard qui l’a plaqué pour une autre fille, j’étais présent. Je l’ai vue pleurer, je l’ai consolée, je l’ai prise dans mes bras. Je me suis aussi battu avec le crétin qui a osé la faire souffrir. Je l’ai croisé près de chez moi, j’ai marché vers lui, puis je l’ai frappé, en plein visage, en présence de toute sa bande de cons. Je me souviens plus de ce qui s’est passé par la suite. Je me suis juste réveillé à l’hôpital. Stéphanie a appris ce que j’avais fait, elle m’a rendu visite tous les jours. Je n’ai pas regretté mon geste héroïque. Au contraire, j’en étais fier. Ça nous a rapprochés encore plus. Quand son père était mort, j’étais là. Jamais je ne l’avais vue aussi abattue. J’étais présent tout le temps. Avant même que le soleil ne pointe son nez, j’étais déjà chez elle. Quand elle a eu son bac, j’étais là. Jamais je ne l’ai vue exploser tant de joie. Elle m’a sauté au cou et a failli m’étrangler. Elle aussi veillait sur moi. Quand je sortais avec une fille, elle avait toujours un conseil à me donner. Elle savait toujours qui était assez bien pour moi ou pas. Elle avait un don pour percer les gens lorsqu’il s’agissait de moi. Stéphanie était une perle. Une merveille qui vit parmi les humains.

Un bruit me tira de mes pensées. Comme si quelqu’un avançait en direction de ma chambre. Je prêtai l’oreille. Le bruit avait cessé. Je mettais ça sur le compte de mon imagination. Bien que ce ne fût pas la première fois que ça m’arrivât. J’habitais une grande maison avec mes parents, mon frère et mes trois sœurs. Une maison qui aurait pu loger une famille de quinze personnes. Je croyais souvent y entendre des bruits. J’en ai parlé à ma mère, mais elle me rassurait en me disant que je devais avoir imaginé tout ça. Et elle a ajouté que j’étais assez grand pour ne plus croire aux histoires de fantômes et de maison hantée.

Si c’était vraiment le fruit de mon imagination, pourquoi est-ce que ça m’est arrivé à plusieurs reprises ? La semaine dernière, j’ai cru entendre quelqu’un respirer à côté de mon lit. La respiration était bruyante, haletante. Je suis resté blotti sous la couverture jusqu’à ce que je ne l’entende plus. Le lendemain, j’ai fouillé la pièce de fond en comble, mais il n’y avait personne. Je n’ai rien dit à mes parents. Ils risquaient de penser que je commençais à perdre la tête.

Le bruit se refit entendre. Des bruits de pas.

— Qui va là ? demandai-je.

Aucune réponse ne me parvint.

J’entendis l’eau couler du robinet de ma salle de bains.

Je maugréai quelque chose d’incompréhensible. J’attrapai une lampe torche sur ma table de chevet, puis sautai de mon lit. Je n’allais pas tolérer qu’on me fasse peur à l’intérieur de ma propre maison. Pas cette fois-ci.

Je me rendis dans la salle de bains, puis fermai le robinet. À peine avais-je tourné le dos que l’eau se remit à couler. Je le fermai encore une fois.

Je m’apprêtais à me recoucher lorsque les bruits de pas se refirent entendre. Plus forts cette fois-ci.

Je braquai le faisceau de la lampe sur la porte. Personne ne venait.

Je décidai de sortir.

Prenant mon courage à deux mains, je fis tourner la poignée de la porte, puis quittai la chambre.

Tout à coup, quelqu’un alluma la lumière dans le couloir. Cinq secondes plus tard, on avait éteint.

Les ampoules se mirent à clignoter comme le clignotant d’une voiture. Comme si quelqu’un s’amusait avec l’interrupteur.

Ça se passait comme ça dans les films d’horreur. Et quelqu’un mourrait toujours à la fin. Une petite voix dans ma tête me conseilla de rebrousser chemin, mais je ne l’écoutai pas.

Ici c’était chez moi, et personne ne m’empêcherait d’y circuler librement.

Je sentis quelqu’un me toucher les fesses.

Je me retournai instinctivement. Personne.

Un loup hurla. Ou je ne sais pas trop quoi. Mais j’étais persuadé qu’il s’agissait de hurlements. Je me mis à trembler comme une feuille. Comment peut-il y avoir un loup à l’intérieur de chez moi ? D’ailleurs, d’où venait-il ?

Je mourrais d’envie de prendre mes jambes à mon cou et de regagner ma chambre. Mais c’était plus fort que moi. Il me fallait découvrir le p’tit malin qui s’amusait à me jouer des tours.

Quelqu’un siffla. Ça semblait venir de la cuisine.

Le cœur battant la chamade, je m’y rendis.

— Il y a quelqu’un ?

À dire vrai, je ne m’attendais pas à recevoir de réponse. J’avais dit ça comme ça, sans m’en rendre compte. Ce devait être le stress.

Je ne trouvai rien dans la cuisine.

Je m’apprêtais à regagner la sortie quand une ombre se dressa en face de moi. Elle était gigantesque. J’ouvris la bouche pour crier, mais aucun son n’en sortit. Je commençais à trembler avant de remarquer qu’il s’agissait de mon ombre à moi, créée par la lumière de la lampe.

Qu’est-ce que je pouvais être poltron !

J’ébauchai un sourire.

Je sentis quelque chose de froid se frotter contre ma jambe.

Je sursautai.

Pendant que je me retournais, la lampe me tomba des mains, et s’éteignit en entrant en contact avec le sol, me plongeant dans le noir. J’allais fuir, mais je trébuchai.

Je me retrouvai donc par terre, impuissant contre la créature qui avançait vers moi. Je n’arrivais pas à mettre une couleur sur ses yeux bizarres. Ils semblaient briller dans le noir. Elle était poilue comme un gorille, avait quatre pattes musclées, et des dents énormes qui ressemblaient beaucoup plus à des poignards. De la bave coulait de sa grande gueule. Il avançait vers moi lentement. Comme s’il avait compris que j’étais déjà à sa merci.

Je voulais hurler.

Je voulais crier comme un possédé.

Mais j’avais perdu tout contrôle sur mes cordes vocales.

J’étais livré à moi-même. Non. Livré à la bête.

Mon corps semble s’être transformé en statue.

Le monstre avançait vers moi, la langue pendante.

Pendant que je bougeais par terre, ma main toucha la lampe torche. Je le récupérai au passage, puis l’allumai, braquant le faisceau sur la créature.

Je pus enfin l’identifier.

C’était… Un chien. Et pas n’importe lequel. Mon chien à moi. Il s’appelle Boby.

Je me retenais pour ne pas éclater de rire.

J’ai eu la trouille de ma vie. Et tout ça à cause de mon animal de compagnie. La blague !

Je me relevai en vitesse, tenant fermement ma lampe.

Je caressai la tête de Boby, puis pris la direction de la sortie.

Je m’arrêtai juste à ce moment-là. Je venais de me rappeler d’un truc. Boby était mort la semaine dernière. Je l’ai enterré moi-même dans la cour.

J’entendis des grognements derrière moi.

La bête semblait prête à passer à l’attaque…

 

À suivre…

 

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King Berdji ESTIVERNE

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