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Souvenir d’un soleil qui a trop vu.

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Mon père me donnait le couteau, mes mains tremblaient et je sentais  la folie de la panique déferler vers les récifs de mon corps. Il me regardait de ses yeux d’alcoolique : « koupe kou l [1]» m’imposa-t-il. Je voyais déjà venir la baffe magistralement si toute fois je faisais montre de faiblesse. « Se gason w ye. Annavan ! [2]» Je détestais être un homme, tout le poids du monde semble peser sur mes épaules tout simplement parce-que j’ai une queue qui ballotte dans le caleçon. Je déteste ma queue. Les yeux pétillants de mon père me remis les idées en place, son haleine éthylique me donnait le tournis. Bordel pourquoi buvait-il autant ? Je regardais la chèvre qui sans se débattre attendait. Il attendait quoi au juste ? Pourquoi était-il aussi si calme face à l’imminence de son exécution ? Pauvre bête, il ne se savait pas condamner, surement se demandait-il pourquoi il ne pouvait pas attraper cette feuille qui passait tout près de sa bouche. Il ne saura jamais que sa chair l’a condamné pour être aussi bonne, il ne saura jamais qu’il va finir en ragout dans ma casserole, il ne saura son sort que lorsque mon acier déchirera les premiers tendons de son cou pour mettre ses artères à nues. Mon cœur battait le train à grande vitesse. Mon père me jetait un autre regard, rouge, cette fois ci la baffe était imminente, je fermai les yeux et passai le couteau sur la peau tendre de l’animal. Mes mains s’imprégnèrent d’un liquide chaud, un fleuve rouge pulsait de l’entaille tandis que l’animal agonisait la langue pendue. Du sang giclait sur mon visage, sur mon corps et… et… et j’étais tétanisé. Que dis-je ? J’etais fasciné par ce fluide, de sa force lorsqu’il sortait avec pression, de sa teinture. Poisseux, je le laissai coaguler sur mes mains.  Je me sentais vibrer dans tout mon être. Une sensation électrique.

« Heure Perdue »

La grammaire française, mais quelle folie ! Qu’est-ce-que je faisais ici à écouter cette dame qui passait beaucoup plus son temps à nous fouetter qu’à faire son travail. Les lettres ne m’intéressait pas, je ne comprenais rien dans les chiffres, tout semblait se liguer pour faire de moi le cancre le plus parfait du siècle, même les mites dans les bancs avait une dent contre mes fesses. Me sentant condamné à ne jamais briller dans mon carnet scolaire, je jetai mon dévolu sur le football. Je ne pensais qu’à taper dans le cuir. Un championnat était ouvert et j’ai payé les frais sans même avoir une équipe. Seul maitre et seigneur de l’équipe, je légiférais, tous les autres membres devaient me manger dans la main et ils le faisaient comme de bon petit chien. Alors je me suis senti puissant et depuis ce jour, je rêvais de devenir un chef, de donner des ordres et qu’on me mange dans la main.

« Premier Acte »

J’ai laissé le cocon familial. Mon père est mort et cela ne me faisait pas de la peine. Je haïssais son haleine, en plus d’être mauvaise, elle persistait dans l’air comme un pet sorti d’un intestin pourri. C’était un être égoïste qui ne vivait que pour jeter sa gourme là où il n’en fallait pas. Je suis l’une des victimes de ses folies. En tout cas, passons, il n’est qu’un souvenir enterré dans un coin perdu de ma mémoire maintenant. Une nouvelle vie s’ouvrait devant moi et je voulais la croquer à pleine dents. Transféré dans une autre école, c’était encore pire. L’adaptation, les autres élèves, le préjugé, je ne comprenais pas pourquoi vivre loin de l’urbanisation faisait de moi un être à part. J’avais perdu de mon fier, parmi cette meute de loup, je n’étais qu’un pauvre chien qui était obligé de passer les heures la queue entre les jambes, fulminant. Je détestais les farouches et cette école semblait avoir un excédent à partager. Carl-Elie était mon cauchemar, il faisait tout pour attirer l’attention sur moi, connaissant mon crétinisme remarquable. J’ai failli faire dans mon froc quand on m’avait mis la craie dans la paume de la main et qu’on m’a demandé de résoudre ce problème sur le prix de revient ? Bordel de merde, que savais-je sur ce foutu prix de revient ? Tout ce que je voulais c’était de fuir ici, fuir l’humiliation et le regard des autres. Les autres, eux, riaient dans mon dos, ils ne pouvaient faire que ça. C’était des monstres qui se gavaient de l’échec des autres pour se sentir quelque chose. Je les haïssais tellement. L’instituteur ne faisant rien pour m’aider, astiquant avec nonchalance son fouet dès que l’attention fut tournée vers moi. On dirait que j’étais son souffre-douleur. Le prix de revient ne voulait pas venir avec sa solution et je restai prostré face au tableau à faire des petits cercles inutiles essayant de réfléchir. Je voyais déjà les stries rouges marquer mes fesses de con. Je ne pouvais me résoudre à subir cette humiliation. L’instituteur m’a demandé de descendre mon pantalon, je lui ai tenu tête. Alors il a entrepris de le descendre lui-même. C’est à ce moment que je choisis de lui plonger dessus. Mes dents comme des rasoirs possédés cherchèrent le creux de son cou. Alors elles exprimèrent des mois condensés de haine, de frustration, de colère. Un festin machiavélique de peau et de chair déchiquetées, le tout arrosé d’une sauce rouge  qui me galvanisa. On me mit la porte le jour même.

« Perdition »

J’avais grandi. Laisse-moi te dire que je me suis laissé prendre dans un système vicieux. Je ne suis pas fier de moi  mais il me fallait faire un choix. L’homme est un être qui a constamment besoin d’être sauvé quand son quotidien se résume à se perdre dans le droit chemin. Mon sauveur à moi n’était pas arrivé de sitôt quand sans aide, sans famille, sans toit, je dormais sous un pont, partageant ma couche avec des chiens errants. Je me contentais de miette de pain, des restes de bouffe dans les poubelles et quand me rebutait ce menu avarié, je volais. La rue a ses lois et les lois de la rue sont impénétrables. Entre sans abri, il fallait se serrer les coudes, marchons unis contre la misère mais de manière si vils. Ainsi, j’ai connu un gars qui m’a procuré un révolver et m’a initié aux hold-up. Ce revolver me rendit mon autorité longtemps perdu et je tombai d’amour pour lui. Il est tellement facile d’obtenir tout ce qu’on veut lorsqu’on pointe ce morceau de fer froid dans la bonne direction. Ainsi j’ai rencontré le diable. J’avais déjà fait la prison pour avoir commis des meurtres: policiers, civils, voleurs comme moi. Une terreur ambulante étais-je devenu, éperdu de voir le sang couler juste pour avoir cette sensation, la sensation de vibrer. L’orgasme. J’ai rencontré le diable dans sa limousine et il m’a demandé de lui rendre un petit service. Je devais semer le désordre dans un centre électoral pour le bien de son parti. En partant il me laissa entre les mains des liasses de dollars. Je fis plus que semer la terreur, je fis tomber le feu et le soufre. Un évènement qui défraya la chronique. Des corps carbonisés, des cadavres laissés sans tête, du pourpre qui maculait les murs, un massacre coagulé sur une toile macabre qui ébranla les fondements de la société. La peur régnait. La peur étant l’opium politique la plus efficace. Le diable jubilait.

« Moment de Gloire »

Je prenais de l’importance dans le système. Cela ne me dérangeait nullement du moment que les liasses rentrait dans la bonne caisse. J’avais un groupe d’homme avec moi, sans foi ni loi,  avec l’objectif d’apprécier la douce caresse du sang qui glisse sur le corps. Un chef ne saurait bien fonctionner sans mettre de son côté tout le potentiel du monde spirituel. Ainsi dans chacun de mes poignets, on me mit des esprits qui étaient censé me protéger contre les cartouches. Est-ce-que je croyais aux esprits ? Je croyais surtout au diable qui m’avait sauvé de la crasse pour accomplir ses basses besognes. Et j’eus tort de l’avoir cru. On ne m’avait pas appris à le reconnaitre encore moins à avoir foi en lui. En tout cas, il faisait des miracles. Je parlais librement dans les médias, sans crainte de représailles, crachant sur l’Etat, faisait le doigt d’honneur à ces prétendus intellectuels, je chiais ouvertement sur plus de 27 700 km2. Savais-je que cela allait durer éternellement ? J’etais con certes mais je savais dur comme fer que rien n’était éternel dans ce bas monde. Alors je profitais et marquais de la manière la plus cruelle qu’il soit mon temps afin que mon nom reste dans les annales de ce pays comme étant la terreur personnifiée. Viol, séquestration, affrontement, tuerie en masse, exécution en ligne, je m’abreuvais de peur et j’étais obèse de profit. L’écho de mon arme fit trembler tout le golfe et chaque effusion de sang, chaque murmure confus de sa fluidité hors des veines fut un holocauste offert au diable pour maintenir son enfer sur terre.

« Chute »

En faisant trembler tout le golfe, j’avais fait trembler le monde et le monde est un  hypocrite qu’on ne doit pas provoquer. Je prenais trop de pouvoir. Je faisais pencher la balance, je ne pouvais pas tout noyer dans un océan de chaos seulement pour satisfaire mon désir d’être craint. C’est le cercle de vie de tout acte odieux, aussi vite que tu atteins le zénith, aussi vite es-tu précipité de ton trône. Le diable m’abandonna, il lança à mes trousses ses sbires légaux. Je me terrais et résistais du mieux que je pus à leurs charges. Mais je ne pouvais résister éternellement. Je tentais de m’echapper, deux liasses de dollar dans chacune de mes chaussures, j’allais traverser la frontière. Mais le système a ses trappes partout et j’étais devenu la souris qui dégustait rageusement sa perte. La première balle éclata mon rotule, la deuxième fraya un chemin langoureux dans mes intestins. Je vis rouge de douleur, je ne pouvais plus parler sinon que mes yeux exprimèrent une agonie inhumaine. Je vis approcher la gueule de l’arme, je ne la savais pas si menaçante. J’ai su que c’était la fin.  Ce système sait comment reproduire la peur car sans, jamais il ne pourra subsister plus longtemps.

Je n’ai plus besoin de te révéler qui je suis car tu l’avais déjà deviné. Je suis l’une parmi les multiples racines de l’arbre. Qu’on coupe le tronc mais tel n’est point la solution.

 

Lire également>>Une, deux et trois…

 

Eder A. Simphat

[1] Coupez-lui la Gorge

[2] Tu es un homme tout d’abord. Exécutez!

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