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Extrait du Journal de bord d’une enseignante.

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EXTRAIT DU JOURNAL DE BORD D’UNE ENSEIGNANTE

Je suis enseignante à l’école primaire. Au moment où je choisissais ce que je comptais étudier, si je le faisais pour l’argent, l’enseignement serait le dernier choix que je ferais. Être employée ne rend pas riche, mais être institutrice se trouve au plus bas dans l’échelle salariale. Malgré que j’aie su niveau salaire, c’était loin d’être correct, j’ai quand même pris cette voie. Tout simplement parce que je n’avais pas aimé la méthode d’apprentissage de mes anciens enseignants et je voulais tellement faire mieux. Ma mère n’a pas du tout approuvé mon choix, une fois, elle m’a dit que si je voulais à tout prix rester à la ramasse, c’était bien le métier à faire. Je n’ai jamais compris pourquoi elle m’a balancé cela et je n’ai pas su quoi répliquer. Je compte utiliser ce cahier pour noter les points forts de mes journées en tant qu’enseignante.

Jour 1

Aujourd’hui c’est la rentrée, les amis sont assez calmes. Nous sommes encore au stade de connaissance et d’apprivoisement. Ils ont déjà essayé de tester mon autorité, exercice que j’ai réussi je pense. Je ne pouvais pas rêver mieux comme première journée.

Jour 15

Aujourd’hui, l’alarme incendie a été déclenché. Les enfants n’ont pas hurlé comme l’avait pensé certains de mes collègues. Ils nous faisaient confiance. Comme personne du corps enseignant n’était en panique, alors ils étaient aussi calmes. Aussi simple que cela. Ben, ce n’était qu’une simulation. Aucun incendie au bout de 15 jours de classe.

Jour 17

Je devrais passer ma journée dans mon lit tout au long de la journée, mais j’ai dû remplacer un enseignant à la dernière minute. Avant de me déplacer, j’avais prié pour n’avoir aucun incident. Malheureusement, cette prière n’a pas été exaucée. Au moment des jeux extérieurs, j’étais occupée à essuyer le nez d’un petit, quand j’entendis le cri d’un de mes petits protégés de la journée. Il criait mon nom en pleurant. Quand je le vis, la première chose que j’ai dite, c’est « oh boy! ». Pas la meilleure, mais j’étais surprise. Sa bouche et ses mains étaient remplies de sang. Il pleurait beaucoup parce qu’il voyait son sang et non parce qu’il avait mal. Ce que j’ai pu comprendre parmi tous ses sanglots, c’est qu’il s’est frappé la bouche en jouant avec un module de jeu. Ce n’était pas pire, mais je déteste voir le sang.

Jour 21

Je peux qualifier ce jour comme l’un des pires. Émotionnellement parlant. Un ami a passé la journée à pleurer. Son chien est mort. C’est lui qui l’a trouvé immobile et les yeux grands ouverts. Il a tout de suite compris. Je n’ose pas imaginer comment il est traumatisé. Pauvre chéri. Tous les autres dans la classe ont compris sa peine et l’ont été d’un grand support. La classe était calme. Dans le cas où certaines personnes se demanderaient pourquoi l’a-t-on amené à l’école malgré tout. Les adultes voulaient qu’il change d’air. Et ils ont bien fait ! On s’occupe bien de notre petit chouchou!

Jour 36

Pur hasard? Coïncidence. En tout cas, au jour 36. C’est mon anniversaire, et j’ai 36 ans. Une petite fête a été organisée par mes collègues. Ça, c’était magnifique. Moi qui n’avais rien planifié pour ma journée, ça fait beaucoup plaisir. J’ai même reçu des petits cadeaux de mes élèves. Ils sont trop adorables.

Jour 51

J’ai accueilli un stagiaire aujourd’hui. C’est sa première expérience en milieu scolaire. Il était stressé, ça m’a rappelé mes débuts. Je me posais plein de questions. Est-ce que je vais pouvoir bien intervenir? Répondre aux besoins des enfants? Mon accompagnatrice et moi, allons-nous tisser de bons liens? Serai-je à la hauteur des critères d’une bonne enseignante? Comment sont les enfants de ce groupe? 

Jour 56

Une chose que je me suis promise dès mes débuts, ne jamais avoir de préféré dans ma classe. Mais, j’ai si souvent failli à cette promesse. Il y a toujours un enfant qui arrive à mieux toucher mon cœur que les autres. Mais j’ai toujours fait attention à ce que cela ne se voit pas. Pas de jugement de faveur! Même pas en rêve !

Jour 80

Autisme. Selon le dictionnaire français Larousse, c’est un trouble du développement neurologique caractérisé par une altération des interactions sociales (repli pathologique sur soi), de la communication et du comportement. Quand la direction m’a annoncé que j’allais avoir un autiste dans mon groupe, j’ai dû retourner à mes anciennes notes. Et sincèrement, rien ne nous (mes amis et moi) préparait à ce qui nous attendait. Je n’ai jamais eu affaire avec un enfant autiste avant. La classe s’était préparée à l’accueillir. Les premiers jours, il était calme. Il n’y avait pas d’interaction avec les autres. Au bout d’un mois! OH ! MON! DIEU! Il crie quand on lui donne des consignes, quand on fait une transition d’une activité à une autre, quand il ne veut pas attendre son tour. J’ai à plusieurs reprises été frappée et même mordue. 



Jour 85
Aujourd’hui, nous, enseignants, sommes en grève. Parce qu’on répète toujours les mêmes choses et ça fait déjà plus de 50 ans. Le gouvernement ne nous reconnaît pas à notre juste valeur. Le gouvernement agit comme si nous n’étions pas des travailleurs essentiels. Le gouvernement fait la sourde oreille à chaque recommandation que l’on fait. Mes grands-parents, qui, étaient enseignants, se sont battus pour avoir des droits et une troisième génération plus tard, c’est la même histoire. Toujours les mêmes combats.

 Jour 90

Pendant que j’attendais l’autobus cet après-midi pour entrer à la maison. Un homme m’a approché. Un sujet amenant un autre, il m’a demandé ce que je faisais. Quand je lui ai annoncé que j’étais enseignante, il m’a paru étonné. Il m’a demandé pourquoi l’enseignement. Au début de ma carrière, j’aurais répondu parce que je voulais faire mieux que mes profs. Mais, eux, ils nous transmettaient le savoir avec les moyens du bord. Maintenant, ma réponse n’est plus la même. 

  • Je veux qu’à chaque fois que mes élèves se lèvent pour l’école, qu’ils soient super contents. Que les cours ne soient pas un fardeau, mais un apprentissage dans le fun. 

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Rachel LUCAS

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