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Anba lavil

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Anba Lavil

C’est bizarre ! Cela remonte à plus d’une vingtaine d’années, mais les souvenirs restent dans ma mémoire comme si c’était hier. Eh oui ! Lorsque j’étais plus jeune, j’avais un rendez-vous annuel. C’est un rendez-vous que je ne manquerais pour rien au monde. 

Chaque année, à la veille de la rentrée des classes, j’accompagnais toujours ma défunte mère à anba lavil pour acheter des chaussures. Maman avait l’habitude de m’acheter deux paires de chaussures. L’une, usagée, pour aller l’école au cours de la semaine et l’autre, neuve, pour la messe dominicale puisque l’école faisait obligation à tous d’y participer. Comme si je n’avais pas d’église près de chez moi, comme si les professeurs et les censeurs n’avaient pas assez travaillé au cours de la semaine ; ils devaient aussi se pointer le dimanche pour venir surveiller les élèves à l’auditorium et procéder à l’appel pour renvoyer chez eux, le lundi suivant, ceux qui n’étaient pas présents. Bref, passons ! Ce n’est pas l’histoire d’aujourd’hui.  

Revenons à nos moutons. C’était pour moi un grand moment de bonheur à anba lavil. Ma maman me laissait choisir les souliers du dimanche. Je pouvais prendre ce que je désirais. Ces chaussures, puisqu’elles ne se portent que le dimanche, allaient sans doute durer une année. Pour celles des jours de classe, c’était à maman de choisir. Elle préférait des souliers usagés avec une grande semelle, un bon Pèpè pour répéter ses propres mots.

A l’époque, j’étais encore en classe de primaire, je voyais anba lavil comme un espace pour faire des achats. Je ne pouvais pas comprendre que c’était également un lieu où de nombreuses familles gagnaient leurs vies dignement. Les marchands étaient vraiment gentils, ils étaient toujours souriants. Pitit gason m, m gen pou ou wi. Bèl manmi, f on ti kanpe fè l mezire sa a. L’image de ces hommes et femmes qui cherchaient dignement le pain quotidien ne quitte pas mes pensées. Maintenant, je suis devenu adulte, pas besoin de vous le dire, oui ! J’ai bien changé. J’ai grandi physiquement et mentalement. Je suis allé à l’université, j’ai eu mon diplôme. Je ne suis pas le seul à subir les changements provoqués par le temps. Anba lavil a changé également. 

Hier, j’ai visité anba lavil. Au temps où j’accompagnais ma mère, j’avais l’habitude de voir les enfants dans la rue. On les appelait de ma manière péjorative des « kokorat ». Pendant qu’ils avaient le même âge que moi, ils étaient obligés de travailler dans les stations de tap-tap pour se nourrir. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus aujourd’hui mais je ne les remarque plus. Les policiers qui, autrefois, incarnaient l’autorité n’osent plus se balader anba lavil sans les chars blindés. On m’a dit qu’ils ont peur de l’attaque des bandits. A la place des tréteaux des marchands, j’ai constaté des tonnes d’immondices. On me dit que les marchands ont vidé les lieux. Ce sont les bandits qui contrôlent la zone, que chaque quartier d’anba lavil a son Général. Mes amis, anba lavil n’a pas changé, elle a été transformée. J’avais peur : en moins de 25 ans anba lavil s’est transformée à un tel point ? Ce lieu si attrayant autrefois s’est converti en espace de terreur. J’avais tellement peur que je n’ai pas eu le temps de poser des questions sur la raison de cette transformation avant de quitter la zone.

                             

Duverson DOMINIQUE

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