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Deuxième billet à mon amour de grann.

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Billet à mon amour de grann #2

6 septembre. Je rentre à Leogane, débarque chez toi, grand-mère. On m’attendait, me dit-on. Mais toi, je ne te trouve pas en train de vaquer à tes multiples activités. On est dimanche. Toutes les horloges tendent vers 4h, tu n’es pas au marché. Où te caches-tu ? 8 septembre. Déjà plus de 24h que je vais et viens dans ce lieu vide de toi et que tu habites tellement en même temps, je ne t’ai toujours pas croisée, même pas une seule fois. Je dois définitivement me rendre à l’évidence : tu n’es plus là, tu es réellement partie.

Des souvenirs de toi plein la tête me rapprochent encore plus de toi. Je ne peux pas passer sous silence ta forte contribution à la construction de « Le secret » de la famille Laraque et toutes les autres histoires que tu me filais assise sur ta chaise. Oui, mesdames et messieurs j’avais mon propre griot. J’espère l’avoir affiché assez par mon dévouement auprès de toi et toute la gratitude que je t’ai témoignée. Oh ciel ! Que je t’aime ! Tu étais parmi ceux que je n’étais pas prêt à perdre mais hélas… Le coeur en compote, j’avance sur les débris du passé. Ma tête en est émaillée, désormais ce sera le tout nouveau parquet de mon intérieur. C’est avec ton image que mon esprit a refait tout le décor, je te revois affairée, souriante, au repos, je te revois dans tes habits de dimanche, revenant du marché, le panier sur la tête, je te revois couchée, souffrante.

J’ai attendu qu’on bouche complètement ton caveau, impuissant. Je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer, peut-être que j’aurais dû crier. Cracher cette douleur à la face du monde. J’ai entrevu ta bière de ce qui restait de cette large entrée qui pouvait m’accueilir ainsi que toi avant puis plus rien. Ta dépouille est de l’autre côté du mur. J’ai écrit les mots fatals dans le ciment fraîchement posé. Pour qu’on se souvienne de ton passage ? Qui en a besoin pour se rappeler cette femme que tu as été ? 

J’ai rédigé d’un trait ta biographie, ce matin de tes obsèques. Écrire a été l’unique thérapie qui arrive à produire des effets durant cette période. Mes mots se ruent avec de l’eau à leurs trousses, certes, mais cela m’apporte une consolation. Mais je ne t’écrirai plus. Je ne te ferai pas de poèmes. Je marcherai sur ma tristesse la tête en bas, tout le temps qu’il faudra. Le temps ! Je réalise que le temps ne s’est pas arrêté malgré ta mort. Non, tout tourne encore tout autour. Et c’est une partie des douleurs qui m’assaillent, comment me replonger dans un quotidien pétri de ton absence désormais ? Je ne le dirai jamais assez : tu es partie trop tôt, à un moment où j’avais encore grand besoin de toi. J’espère continuer à te rendre fier de moi, je veux garder cette admiration que tu me voyais.

Vòvò, tu as pris ton envol avec une partie de moi alors que l’autre se débat avec la douleur. Je porte en moi la prostration comme un enfant mal-aimé, j’ai mal. Jusqu’ici c’est tout un torrent de lune qu’il me faudrait pour laver mes blessures obscures. En attendant, je me tiens simplement debout, impuissant devant un soleil en ruines, je brûle des cellules de moi et éparpille les cendres un peu partout dans l’espoir qu’elles arriveront à disséminer mon chagrin. Il y a de très grosses vagues qui déferlent de partout mais je n’essaie plus de les enfourcher, je ne sais plus comment chevaucher une peine, grand-mère. Non, je ne sais plus ! Que ta voix dans l’au-delà soit bouée de sauvetage pour mes rêves. Va en paix, douce maman !

Witensky Lauvince Le Scribe

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