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Il a crié, victoire

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Il a crié, victoire!

Un visage rayonnant, de grands yeux qui même derrière un petit écran, posés sur moi m’enlèvent le bon sens. Une bouche bien pulpeuse dessinant un sourire charmeur qui laisse légèrement apparaître de jolies dents blanches, que l’on imagine soudain en train de croquer… un petit morceau de viande bien farcie, une orange juteuse, ferme et bien arrondie. Tout cela ne suffisait pas pour masquer ce torse poilu et ces tablettes de chocolat noires. 

Profil parfait d’un crush ! Celui-là que l’on admire en secret. Celui sur qui l’on fantasme. Cet être qui partage nos moments les plus intimes alors qu’entre nous c’est l’ignorance totale. Il était tout de suite devenu le mien. Je m’imaginais déjà avec lui, dans ses bras, riant, jouant, sautant. Alors plus rien ne me retenait. J’ai cliqué sur “like” et perdit patience à l’instant car rien ne me garantissait que par chance il aurait été lui aussi attiré par ma pathétique photo de profil. 

C’est l’un des hics avec ces sites de rencontre. Je pourrais falsifier une photo, la photoshopper pour attirer l’attention mais je suis tellement authentique, je déteste tellement le mensonge et l’hypocrisie que j’essaie malgré tout de concilier ma vie virtuelle à ma vie réelle. Au premier regard, un garçon peut ne pas s’émerveiller mais en prenant le temps de voir cette personnalité derrière ce corps “passable”, l’attachement est toujours au rendez-vous. 

Journées fatigantes. Entre les études, les amis, la famille et l’énergie de mon portable à gérer car le soir, sortie de l’engrenage quotidien et enfermée seule dans ma chambre, il me faut ce petit appareil mangeur de temps pour ne pas m’écrouler dans la détresse et l’angoisse. Allongée pour ma petite sieste nocturne. Je prends mon téléphone, ouvre mes données mobiles et tout de suite s’affiche “nouvelles notifications de Tinder”. 

Enfin c’est arrivé. Après six longs mois de solitude, quelqu’un est apparu et m’a redonné le sourire. Une soirée de renaissance, de rencontres et de découvertes. Le bonheur au rendez-vous, celui-là même qui vient comme par magie et qui repart comme par enchantement. 

Quatre heures du matin! Je n’ai pas vu l’heure passer. Pour savoir qui se cachait derrière ce visage angélique et ce corps de bombe, le sommeil avait dû s’en battre les ailes. Où est-ce que ce doctorant en sociologie trouvait le temps pour se rendre à la salle de gym? Âme sensible, protectrice, une relation dévastatrice n’a pas su la convertir. Je ne voulais rien savoir de ce qu’il a vécu d’elle mais ce qui me préoccupait c’était comment il concevait une relation amoureuse et le type de femmes qui remplissent sa liste. Histoire de voir si j’avais ma chance et la tenter, quoi! 

Déjà guéri de cette situation, c’était donc à moi de me défouler enfin après six longs mois de peine. Une situation aussi douloureuse que la mienne. J’imagine le choc quand on apprend que l’on est pour la personne avec qui on rêve de vivre le restant de ces jours, et bien un simple objet sexuel. Devrais-je alors lui expliquer ma soumission non consentie, la maltraitance tant physique, verbale que morale ? Le rejet, l’irrespect. La douleur, l’abus. À dire que je le devais bien à ma mère qui n’avait plus, ni la force ni l’âge de continuer à prendre soin de moi, abattue par un cancer du sein. Elle était heureuse de me voir partager ma vie avec quelqu’un qui pouvait tout me donner, ainsi elle se sentait plus rassurée à l’idée de partir bientôt. Comment donc entre souffrance et incertitude pouvais-je lui avouer ce que je vivais réellement? Je me sentais assez forte pour tout endosser jusqu’à ce que je retrouve cette présence virtuelle. 

Depuis, j’ai retrouvé un nouvel ami avec qui tout partager. Un ami qui ne me juge pas. Qui prend le soin de m’écouter pendant deux heures d’affilée sans dire mot, seul son souffle derrière l’appareil me rassure qu’il est bien là. Je ne pouvais plus passer une journée sans entendre sa voix. Je ne pars pas m’endormir non sans d’abord recevoir de lui un petit message rassurant. Je frôlais le parfait bonheur jusqu’à ce soir où l’on s’est disputés. 

Je ne pouvais surtout pas comprendre pourquoi après deux semaines d’amitié et de confidence je n’étais pas autorisée à recevoir une petite photo rien que pour continuer à admirer ce corps sur lequel j’avais fantasmé rien qu’en le voyant une poignée de secondes. Je n’étais pas un canon de beauté. Je n’ai pas un visage exceptionnel mais cela ne me dérangeait pas de le surprendre quelquefois avec une petite photo juste après mon maquillage de jour. Après s’être disputés quasiment toute la nuit, il était alors convenu que demain six heures de l’après-midi on se retrouverait à ce restaurant calme de la rue Metellus, mon préféré à Pétion-Ville. 

Seulement deux heures de sommeil mais je me sentais en pleine forme et surtout hâte de rencontrer, enfin, mon crush… cinq heures de préparation. Les cheveux ondulés arrangés en un “side hair”, un maquillage lumineux avec une bouche rouge. Un slim bleu accompagné d’un chemisier rose avec un décolleté plongeant, séduisant et une ceinture marquant la taille faisant ressortir mes petites hanches de guêpe (mon atout que je mets toujours en valeur), et des baskets blanches. Six heures tapante, j’étais là dehors dans le parking. Je retire donc mon téléphone de ma petite sacoche pour savoir où exactement le retrouver. 

Avançant vers ce petit coin de la terrasse sous l’ombre d’un manguier, il était là, assis, tout souriant, un sourire victorieux. 

Oui, il était là, mon ex…

 

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Dahana M. L. Deliscart

 

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