Pergolayiti
Take a fresh look at your lifestyle.

Version Féminine

4 2 604

La femme avait toujours été inconsidérée dans notre société. Tantôt elle était condamnée à passer son existence entre quatre murs, se fatiguant de l’aube à la tombée de la nuit ; tantôt elle était martyrisée par les langues ingrates de son mari. Ne pouvait-elle espérer mieux ? Ces derniers temps, elle avait essayé de se démarquer de cette tendance mais il n’en restait pas moins que dans notre pays, elle lui restait encore du chemin à parcourir.

J’avais une autre conception du genre féminin et je pensais pouvoir aider la société à le considérer à sa juste valeur. Un texte sur ce thème ferait bien l’affaire. Je poireautais depuis une semaine déjà à trouver le sujet parfait, retardant à chaque fois mon travail, n’arrivant toujours pas à avoir le grain de génie. Les histoires fictives, j’en avais trop écrites et je ne les trouvais pas au niveau d’atteindre la concrétude que requérait le thème. Je planifiai de me jeter à l’eau un mardi soir. J’espérais qu’une fois arrivée devant la page blanche de mon ordinateur, les idées ne tarderaient pas à émerger de mon cerveau puisque mon cœur était à l’entreprise. 

Mais ce jour, dans la matinée, mes collègues et moi eûmes une visite à effectuer au sein d’une institution sur recommandation d’un professeur. Nous étions au nombre de trois. Il y avait : Debly, un grand brun qui fêtait le jour même son anniversaire ; Clesma, une petite au teint clair ; et moi qui paraissais beaucoup plus jeune que mon âge. 

Il fallait nous documenter sur l’énoncé d’un devoir donné dans le cadre de nos études de droit. Nous avions sorti nos tailleurs et nos vestons pour l’occasion, car il n’était pas donné tous les jours de mettre les pieds au cœur des décisions judiciaires. Nous fûmes comblés par l’accueil des gérants qui ne demandaient qu’à nous aider. On nous présenta au directeur de communication de ladite institution et à son assistante ; ils étaient les mieux placés pour nous divulguer les informations. 

L’homme, Maitre Jean-Pierre, à qui je donnerais tout au plus une quarantaine d’années, était très élégant dans son costume marron clair. La jeune femme n’avait pas plus de vingt-trois ans. Elle portait une robe bleue et avait les cheveux savamment coiffés. Elle ne s’embarrassait pas à porter des talons ; elle avait opté pour des souliers plats. Elle fréquentait notre université, orientant ses études vers le droit également et n’attendant plus que sa soutenance. Elle était journaliste et venait de publier son premier roman. Elle ne nous avait pas encore adressé la parole mais le simple fait de nous la faire présenter avec ces qualificatifs suscita mon admiration. Je ne pensais pas encore être en face de mon personnage parfait. Mon sujet parfait. 

Elle parla d’abord de ses études universitaires, de son parcours avant d’en arriver là. Elle avait rencontré de nombreuses difficultés pour achever ses études. Les meilleures notes en droit n’étaient pas données et il fallait avoir une bonne maitrise des notions abordées pour au moins arriver à obtenir quatre-vingts. Elle avait obtenu ce travail grâce à un de ses professeurs qui appréciait ses performances académiques. 

Il nous fallut au moins près de quatre heures pour remplir notre mission qui était de nous informer sur le rôle, la composition, le fonctionnement, les attributions, les rapports entre les différents organes de l’institution. Nous visitâmes les locaux, nous adressâmes au personnel et prîmes des photos. Le bus qui nous avait déposés ne tarderait pas à venir nous reprendre, nous fit comprendre le chauffeur, par un coup de téléphone. Nous étions maintenant de retour dans la salle d’attente, assis chacun devant une tasse de café. La petite pièce comportait pour tout meuble : trois grands fauteuils, une table. 

Dalzy Gaspard, c’est ainsi que s’appelait l’assistante en communication qui vint nous tenir compagnie. Elle prit place dans un fauteuil en face du nôtre et croisa les jambes. Elle voulait savoir si nous avions collecté toutes les données dont nous avions besoin et si nous ne désirions rien d’autre. Nous demandâmes à savoir un peu plus d’elle vu qu’elle n’y voyait aucune objection. 

Certains jeunes se demandaient souvent s’ils pourraient dans un peu plus de deux ans avoir un plus grand statut que celui de simples étudiants. Sincèrement, j’espérais beaucoup plus. Je me voyais déjà entreprendre de grandes choses comme la légalisation et l’expansion de deux organisations que quelques collègues et moi avions mis sur pied… Je n’ignorais pas qu’il ne suffisait pas uniquement de le vouloir. Les initiatives n’attendaient que d’être prises. Elles pourraient se révéler une porte de sortie. Les opportunités étaient là, elles n’attendaient que d’être saisies. Elles pourraient déterminer notre avenir. 

Moi : Alors votre roman traite du droit?

Mlle Gaspard : Non pas du tout. Cela a commencé par de simples histoires que je publiais hebdomadairement. Comme je l’ai dit tantôt je suis journaliste. Beaucoup de mes amis les ont trouvées merveilleuses et ont pensé que je pourrais en faire un livre. Alors j’ai saisi l’opportunité.

Moi : J’aimerais bien pouvoir le lire.

Mlle Gaspard : La vente signature sera pour samedi prochain à l’hôtel Caribe. Vous pourrez y passer.

Clesma : Comptez sur nous.

Moi : De quoi parlent ces histoires?

Mlle Gaspard :  De l’amour, c’est la grande tendance, non?

Clesma : C’est donc pour avoir beaucoup de lecteurs ou êtes-vous une grande romantique?

Mlle Gaspard, avec un sourire : Romantique, moi? J’ai perdu mes illusions sur l’amour depuis ma rupture avec mon petit-ami l’année dernière.

Clesma : Que s’est-il passé? Si vous voulez en parler bien sûr.

Mlle Gaspard :  Il ne m’a jamais considérée comme son égale. Il me l’a toujours fait croire le contraire pourtant. Mais les actes finiront toujours par trahir les pensées. 

Moi :  Vous voulez dire qu’il vous reléguait au rang de femme? Je veux dire si l’on tient compte de la perception que l’on a de ce genre dans notre société. 

Mlle Gaspard : Vous avez tout vrai. 

Mlle Gaspard répondait positivement à mes prières et mes soucis du moment. Je tenais le bout du fil de mon sujet de prédilection et je comptais bien voir où il me mènerait.

Mlle Gaspard : Je ne suis pas le genre de femme à me soumetttre à un homme ou à attendre que mon mari m’apporte le pain quotidien. C’est bien pourquoi j’ai opté pour les sciences juridiques.

Puis…

Mlle Gaspard, poursuivant à l’égard de Clesma et moi : C’est sûr que vous ne serez pas que de simples femmes au foyer. Si vous aviez choisi d’autres champs d’étude, je n’en aurais pas dit autant. Mais là, c’est tout à fait différent.

Moi, m’enquérant : En quoi est-ce différent ? 

Mlle Gaspard : Cette carrière rend une femme indépendante et occupée. Prenons le cas d’une avocate. Elle a toujours des affaires sur lesquelles elle travaille.  Elle n’aura pas vraiment le temps d’être aussi femme au foyer dans tout ce que cela implique. 

Clesma, approuvant : Je n’adhère effectivement pas à cette politique ancestrale selon laquelle les femmes sont censées vivre que pour les tâches domestiques, c’est-à-dire la lessive, la cuisine, la vaisselle, et tout. Aujourd’hui encore, alors qu’elles essaient de renverser la situation, elles n’arrivent toujours pas à s’affranchir totalement de cette tradition. 

Mlle Gaspard : Il n’est pas juste qu’on demande aux hommes que de travailler et de rapporter l’argent à la maison ; alors que nous, les femmes, on nous en demande le double. Si nous parvenons à être également des professionnelles, en dehors du cadre de notre travail, nous avons la maison à entretenir et les enfants à élever. 

Moi, rajoutant : Il y a pourtant des hommes qui n’arrivent même pas à concevoir qu’une femme leur soit égale au niveau des études. 

Mlle Gaspard : Cela est tout à fait normal parce qu’autrefois, les femmes n’arrivaient pas plus loin qu’en sixième année fondamentale. Au plus, elles avaient un brevet. 

Debly, plaisantant : Elles étaient bonnes pour la couture.

Mlle Gaspard : Effectivement, la cuisine également. 

Un silence s’installa, lequel elle rompit par ses confessions.

Mlle Gaspard : Je ne me vois pas mariée, vous savez ? Du moins, pas aussi tôt. Je ne compte pas m’arrêter à la licence, je me vois déjà faire mon master. Le doctorat ne serait pas de refus, fit-elle avec un haussement de l’épaule gauche.  

Moi : Qu’en pense votre famille ? 

Mlle Gaspard : Mon père aurait aimé que je ne tienne pas de tels discours. 

Moi : Une vraie femme est celle qui est mariée et mère de famille.

Mlle Gaspard : Tu ne pouvais pas mieux dire. La grande tendance est que si nous ne nous rangeons pas dans ce stéréotype, il n’y a pas lieu de parler de réussite. On rejette quasiment les succès du monde professionnel.

Clesma me toucha le bras afin de me signaler que la prochaine question viendrait d’elle.

Clesma : Vous dites ne pas vouloir vous marier, en mesurez-vous les conséquences ? Elles finissent seules, les femmes qui généralement adoptent cette attitude. Le véritable cliché de la vieille entourée de ses chats.

Mlle Gaspard : Disons que dans notre pays, on fait plutôt face aux vieilles aigries qui, pour un oui ou un non, s’embrouillent avec le voisinage.

Clesma : On en vient à attendre le jour où elles auront à passer l’arme à gauche. 

Mlle Gaspard : Non, mais… sérieusement les filles, avoir un mari n’a jamais été une condition sine qua non pour aller au paradis. Je précise que je suis chrétienne. Je ne suis pas contre le fait d’être mariée. Mais que cela se fasse sous certaines conditions.

Depuis quelques minutes, Debly pianotait sur l’écran de son téléphone. Il leva la tête.

Debly : Lesquelles ?

Mlle Gaspard : Premièrement, je veux être libre de poursuivre ma carrière sans que cela ne constitue un obstacle à mon mariage ou que je ne sois obligée de choisir. Mon mari doit pouvoir me soutenir tout comme je le ferai en ce qui le concerne. Deuxièment, je ne suis pas obligée de porter son nom. Finalement, il faut établir un contrat afin de savoir quel régime matrimonial nous allons adopter. 

Moi : Vous ne voulez pas porter son nom parce que vous pouvez avoir déjà eu une certaine notoriété en tant qu’avocate. Effectivement, changer votre nom de jeune fille n’est pas une sage décision. 

Ces connaissances, je venais de les acquérir tout récemment dans un de mes cours et je m’assurais que j’avais une idée plus ou moins précise de ce qu’elle avançait.

Mlle Gaspard : Bien compris, chère consœur. D’autre en plus, il n’est écrit nulle part dans notre législation que la femme doit porter le nom de son mari une fois mariage contracté. C’est une pratique tout à fait traditionnelle. 

Moi : Pourquoi donc déterminer le régime ? 

    Je voulais qu’elle approfondisse un peu plus car je ne maitrisais pas encore la matière. Les termes m’étaient un peu vagues. Elle discourut pendant un bon moment sur les différents régimes matrimoniaux. 

Mlle Gaspard, concluant : Le régime de la séparation des biens profite dans le cas où les revenus du ménage viennent des deux conjoints. Ainsi, par exemple, si une faute professionnelle est commise par mon partenaire et qu’il vient à tout perdre, on n’aura pas à saisir tous mes biens. Nous éviterons de nous retrouver totalement sur la paille, nous pourrons beaucoup plus facilement remonter la pente. Et inversement.

Moi : Pensez-vous qu’un homme acceptera l’idée d’un tel contrat ? Il pourrait penser que vous ne lui faites pas assez confiance.

Mlle Gaspard : Habilis ad nuptias, habilis ad pacta nuptiala.

Clesma, traduisant : Celui qui a la capacité de se marier est capable de donner son consentement pour le contrat de mariage qui le concerne.

Mlle Gaspard : Je vois bien que vous êtes des étudiants de Maitre Nectan. Il ne s’agit pas d’un manque de confiance, c’est une simple précaution. Il arrive parfois que des avocates commettent cette erreur en dépit de leurs bonnes résolutions. L’amour a tendance à inhiber leur jugement.

Moi, soutenant : On dit toujours que les avocats font ce qu’ils interdisent à leurs clients de faire.

J’avais pris ma tasse et en avalai une gorgée du liquide. 

Debly, prenant la relève : Que faites-vous des hommes qui aiment à avoir de bons petits plats concoctés par leurs tendres épouses ?

Mlle Gaspard : Il doit pouvoir cuisiner pour lui-même. Prenons le cas où je rentre à la maison vers les deux heures du matin après plusieurs heures de travail intensif. Doit-il rester affamé à m’attendre ou se préparer quelque chose à manger ? À mon retour, il se peut que je sois tellement fatiguée que je ne pense pas à me nourrir moi-même.

Debly : Aimerez-vous qu’il cuisine également pour vous deux ?

Mlle Gaspard : Je ne le lui demanderai pas, qu’il ne me le demande pas non plus.

Clesma : Sinon, comment vivez-vous le fait d’être femme au sein de votre travail ? 

Mlle Gaspard : Il n’y a aucune discrimination. Tout le monde fait son travail. Si toutefois quelque chose se passe mal, on réprimande la personne sans mettre en avant le fait qu’elle soit un homme ou une femme. 

Clesma, poursuivant : Quel est le nombre de femmes par rapport à celui d’hommes ? 

Mlle Gaspard : Ma quantification ne peut être exacte, mais je peux quand même dire qu’il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes.

Clesma : Et pourquoi, donc ? 

Mlle Gaspard : Je l’ignore ; c’est ce que j’ai toujours constaté.

Moi, m’excusant : Est-ce que les femmes se voient confier des postes beaucoup plus importants que ceux de simples assistantes ou secrétaires ? Cette question vous est posée sans vouloir rabaisser votre fonction. 

Mlle Gaspard, nous rassurant : Il n’y a aucun souci. 

Elle réfléchit quelques secondes avant de répondre avec un sourire.

Mlle Gaspard : Effectivement, il y a des femmes ayant des postes beaucoup plus importants que celui que j’occupe. Mais le nombre est faible par rapport à celui des hommes.

Moi : Pourquoi donc n’y a-t-il pas d’hommes secrétaires ou assistants ? 

Mlle Gaspard : Parce que tout simplement aucun d’eux n’applique pour ce poste.

Moi : Si on comprend bien, il parait que certains métiers soient proprement réservés aux hommes et d’autres aux femmes.

Mlle Gaspard : Effectivement, cela est dû à notre mentalité. Il a toujours été ainsi et ne semble pas être prêt de changer. 

Moi : Sur ce point, l’éducation familiale semble avoir failli. 

Clesma, soulevant : Je peux comprendre que certains hommes se trouvent complexés par rapport aux femmes. Ils ont été ainsi élevés et on aura beau essayer de leur faire entendre raison, ils auront du mal à s’adapter. 

Mlle Gaspard : Ils peuvent bien nous faire croire que cela ne leur pose aucun problème mais ils peuvent être trahis par leurs propres mots ou actes. Une femme ne peut pas passer sa vie auprès d’un homme dont elle redoute à chaque moment les sous-entendus ou les gestes machistes. 

Moi : Ils ne sont pas beaucoup sur la planète, les hommes qui acceptent l’idée qu’une femme soit leur égale. 

Mlle Gaspard : Ils existent bel et bien, et si je dois m’engager dans une éventuelle union, j’espère que je tomberai sur l’un d’eux.

La porte s’ouvrit à l’instant et le superviseur direct de Mademoiselle Gaspard apparut.

Maitre Jean-Pierre : Vous avez terminé avec les dernières mises au point, je suppose ?

Mlle Gaspard, cédant sa place : Tout à fait. 

Avant de tourner les talons, elle vint nous serrer la main. 

Mlle Gaspard : J’ai été heureuse de vous avoir rencontrés. Le devoir m’appelle.

Elle disparut par la porte laissée entrouverte.

Maitre Jean-Pierre : On m’a fait savoir que votre bus est là, jeunes gens. 

Il répéta le même geste et nous escorta jusqu’à la sortie.

Maitre Jean-Pierre : J’ai eu un immense plaisir à vous entretenir des affaires de notre institution.

Il nous souhaita de bien travailler sur notre exposé et d’obtenir la meilleure note qui soit. 

Je venais tout juste de m’installer dans le véhicule que mes pensées se portèrent sur ma conversation avec Dalzy Gaspard. Je tenais là mon sujet et je ne comptais pas le laisser filer. J’essayais d’articuler tant bien que mal les idées qui se bousculaient dans mon cerveau. Puisse le trajet arrivé à son terme et que je me retrouve face à l’écran de mon ordinateur ! Ma première phrase, je la connaissais déjà : “ La femme avait toujours été inconsidérée dans notre société. « 

Lire aussi>>Révérend, ma femme ne veut pas coucher avec moi

 

Envoyez-nous vos textes, faîtes partie de l'aventure Pergolayiti

4 commentaires
  1. Tessa dit

    Très intéressant !

  2. Joanna Barthelemy dit

    Tree interessant Pierre Louis Family ki voyem so tree interessant

  3. Lhermite Marise Audrey dit

    Je trouve que le sujet traité dans ce texte est intéressant.De nos jours être femme au foyer et mener une vie professionnelle semble difficile non pas parce que c’est impossible mais c’est juste on ne voit pas la femme dans le foyer à sa juste valeur.On forme une équipe quand on a un foyer.C’est bien d’aborder ce genre de sujet dont beaucoups préfèrent garder le silence.

  4. Djan dit

    Je me demandais si j’étais la seule qui n’aspirait pas le rôle de la femme au foyer avec son lot de routine de tâches ménagères.
    Il faut dire que la famille est particulièrement responsable, une mère est fière de sa fille quand elle est une femme totale, genre bonne cuisinière, lessive ect. Et si sa fille ne se marie pas même avec une brillante carrière elle a échoué dans son éducation.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.