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On s’est aimé pourtant 2

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Partie II

Pour les beaux yeux de Monica que je ne reverrais plus dans cette vie. Si tu savais petite fleur, si seulement tu savais comme ton absence me pèse tous les jours…

Lorsqu’il revint une vingtaine de minutes plus tard, je grillais ma deuxième cigarette de la soirée. Dix heures approchaient à peine et la nuit était d’une beauté à faire tourner les têtes. C’était une de ces nuits où il faisait bon d’être amoureux. Bref… Mes doutes s’étaient estompés. J’avais bien fait de venir ce soir. Le voir m’avait fait du bien. 

  • Voilà une manie que tu n’as jamais su quitter. Me dit Adley.

Je souris, l’air coupable.

  • Ce sera dans une autre vie, probablement. 

Il m’observa, l’air songeur, passant une main sous son visage imberbe. Je le trouvai beau. Comme auparavant. Il avait toujours su comment me déstabiliser rien qu’avec son regard, comme s’il avait toujours su ce que je tramais au plus profond de moi. Et ce soir, je retrouvais mes sensations d’avant. 

  • Quand nous étions ensemble, tu me promettais toujours d’arrêter, mais je savais toujours que tu fumais comme un dragon. (Il ricana, puis poursuivit). Ce chewing gum que tu mâchais avant de rentrer à la maison était bien trompeur. Mais l’on n’efface pas l’odeur de la nicotine entre les doigts aussi facilement. 

Je baissai la tête, honteuse. 

  • Tu as donc toujours su… Lui dis-je.
  • Ouais. Il me sourit largement. Mais je me disais que tu finirais par arrêter un jour. Ce jour n’est finalement jamais arrivé…

Je ne dis rien pendant plusieurs secondes. J’eus la soudaine envie de le prendre dans mes bras et lui dire combien il m’avait manqué, combien j’avais souffert de son absence. Pour faire taire mes envies, je lui dis :

  • Tu as donc finalement ouvert ton restaurant.
  • J’y suis parvenu, en effet. 

Son visage s’illumina. 

  • Comment, lui demandais-je ? Ça t’a pris toutes tes économies, je suppose.

Adley se gratta la gorge, se redressa sur son siège, et me dit :

  • J’ai emprunté de l’argent à mon père. Il a finalement cru à l’un  de mes projets. 

Je souris à cette révélation.

  • Vous êtes en bons termes depuis quand ?
  • Depuis très récemment en fait. Une année tout au plus. Tu connais la relation houleuse que j’ai toujours entretenue avec mon père. Je crois que c’est une belle chose. Enfin il me comprend. Enfin comprend-il que je ne suis pas comme lui, que j’aime autres choses que lui. 

Il se tut quelques instants, l’air pensif. Comme s’il voulait me demander quelque chose et qu’il se retenait violemment. Je lui dis :

  • Là, tu te demandes pourquoi je suis ici. Pourquoi après tout ce temps je suis enfin revenue vers toi…

Il me fixa pendant longtemps. Cette fois, j’avais le sentiment qu’il se retenait pour ne pas éclater. Pour ne pas commettre de gaffes. Adley avait toujours été colérique, ne sachant jamais comment contrôler ses émotions. En ce moment précis, je crus qu’il allait partir en mille morceaux comme il savait le faire, mais sa réponse fut calme et précise. Étonnant.

  • À partir de quel moment ça a dérapé entre toi et moi, Néhémia ?
  • Le soir où tu m’as traitée de petite pute en chaleur qui ne sait pas où se mettre la tête. Je pense que c’est à partir de ce moment que j’ai su que cette relation était finie. 

Il garda la tête baissée. 

  • Ce soir-là, tu m’as dit : Ne m’attends pas, je ne rentre pas. C’était comme toutes les nuits où l’on se chamaillait. Sauf que cette fois, tu n’étais pas là le lendemain matin, comme tous les autres matins qui suivaient nos violentes disputes. 
  • Je crois que j’en avais eu marre de me faire insulter. 
  • Ce n’est pas comme si toi non plus te ne me disais des choses blessantes. Nous étions deux sur ce coup, Néhémia. Sauf que moi j’étais celui qui s’énervait le plus et toi tu avais toujours su garder ton calme même lorsque tu me plantais le couteau là où ça faisait mal. 
  • Tu penses donc que j’aurai dû revenir le lendemain matin, après tout ce que tu m’as dit ? 

Il ne dit rien. Je poursuivis :

  • Le contraire m’eut étonné, Adley. Si je revenais vers toi, je te donnais raison de me traiter comme tu le faisais. Si le lendemain matin tu me trouvais à la maison comme les autres matins, c’est comme si je te disais : tu as raison, je suis une petite pute, mais je n’y peux rien, alors je t’en supplie, traite-moi comme bon te semble mais ne me quitte pas. Mais toi et moi savions parfaitement que je n’ai jamais été ce que tu pensais de moi. Je t’ai respecté avec tout l’effort qu’il m’a été permis de faire…

Il ricana. C’était un rire amer, jonché d’amertume et de remords longtemps accumulé dans les parvis de l’âme. Il avait, et j’en avais la certitude, espéré pendant longtemps cette discussion qui aurait dû avoir lieu depuis si longtemps. Il me dit sous un ton acerbe.

  • Tu passais ton temps à flirter, encore et encore, avec des mecs stupides. Alors que moi j’évitais les filles parce que te sachant jalouse, toi tu ne faisais rien pour m’épargner certaines choses. Ne viens pas me parler de respect Néhémia !
  • Pourtant, j’ai toujours été honnête avec toi. Je ne t’ai jamais trompé avec quiconque. J’étais à toi. À toi seul ! 

Il ne dit mot. Les gens allaient et venaient dans le restaurant et la musique continuait à me faire de l’effet. Killing me softly de Roberta Flack. J’avais toujours comparé ma relation avec Adley à une symphonie inachevée où le compositeur, lassé de ne pas trouver les notes justes avait tout simplement abandonné l’idée de compléter ce qui aurait pu être un chef-d’œuvre. Au bout d’un instant. Je lui avouai :

  • Si toi tu avais fait l’effort de t’excuser, peut-être que nous ne serions pas là aujourd’hui ! 

Il se défendit rapidement.

  • Mais j’ai essayé. J’ai essayé de t’appeler pendant plusieurs jours mais tu ne répondais pas. Ton téléphone n’a jamais sonné. 

Je l’avais bloqué en effet.

  • Et puis, deux semaines plus tard, lassé de ne pas avoir de tes nouvelles, je me suis mis à appeler tes amies pour leur demander de tes nouvelles. Il faut croire qu’elles me détestaient toutes. Personne ne savait où tu te trouvais.

J’avais intimé à mes amies les plus proches de ne pas lui dire où je me trouvais, en effet. 

  • Et quand Léon t’a vu au restaurant avec ce crétin de Salinsky, j’ai su que tu avais tourné la page.
  • Quoi ?

Les autres clients du restaurant se retournèrent vers notre table. J’avais perdu toute contenance, étonnée par ce qu’il venait de m’avouer. Je repris, cette fois avec plus de calme.

  • Tu as vraiment cru que je m’étais mise en couple avec Salinsky.
  • Tu as toujours eu le béguin pour cet idiot ! brailla-t-il.

Je passais une main sous mon front, sentant venir une légère migraine. Je me versai un peu d’eau que je bus lentement devant le regard incompris de Adley.

  • Tu vas bien ? me demanda-t-il.

J’esquivai la question.

  • C’est plutôt toi l’idiot dans toute cette histoire, Adley. Tu as cru que je sortais avec lui ? vraiment ? Et pourquoi selon toi j’ai spécialement choisi le restaurant où ton ami travaillait ? 
  • Je ne sais pas, pour me narguer peut-être !

Adley paraissait en proie à une telle fureur. Comme un ouragan qui se fait attendre, qui patiente encore un peu mais qui sait que l’heure est venue de déverser sa colère. J’avais toujours redouté sa furie. Dans ces moments-là, j’avais toujours l’impression qu’il devenait quelqu’un d’autre, comme s’il existait en lui cette rage enfouie, qui prenait racine jour après jour et qui par moments éclatait pour révéler un visage que nul ne voudrait  connaître. Dieu qu’il savait m’asséner de propos blessants lorsque cela arrivait ! Je fermais les yeux, l’espace d’un instant, je revivais notre dernière dispute. Elle était d’une violence jusque-là inégalée. Sans précédent dans notre relation. C’était la première fois que j’eus peur qu’il me frappe. Il n’avait jamais été un homme comme ça, mais j’avais redouté qu’il me fasse du mal ce soir-là.  

C’était maintenant ou jamais, ou j’arrêtais cette discussion, ou je la poursuivais quoiqu’il en coûte. Fallait-il se taire sur nos maux ou finalement parler comme on ne s’était jamais donné la chance ? Cela changerait quoi de toute façon ? Ne dit-on pas souvent que l’eau qui coule sous le pont efface toutes nos transgressions ? Ça, c’est moi qui l’ai inventé ! Mais bon, j’avais vraiment le choix d’exiger de faire silence sur ce qui était déjà fait. Mais je le savais, j’avais autant que lui besoin d’explication.  Je voulais autant que lui savoir où nous avions merdé. 

C’est donc avec le cœur rempli d’appréhension que je repris la conversation :

  • J’avais espéré qu’il me verrait, qu’il te le dirait et que tu reviendrais à moi, en colère ou en me suppliant, cela m’importait peu. Mais j’avais souhaité que tu fasses quelque chose pour moi, pour nous deux…
  • Je t’ai appelé nuits et jours, me dit-il sous une note de désespoir, nuits et jours Néhémia…
  • Tu aurais dû m’appeler après que Léon t’ait dit qu’il m’avait vu avec Salinsky.
  • Pourquoi faire ? Tu m’aurais appelé toi ? Ne viens pas me dire que j’aurais dû faire ci ou  ça. Ce n’est pas comme si tu avais été joignable non plus !

Il se tut quelques secondes puis reprit avec le même entrain. 

  • Tu étais injoignable. Et pendant tout ce temps, j’imagine, tu étais dans les bras de Salinsky. 
  • Non, Adley. Pendant tout ce temps, j’étais dans la maison de ma défunte maman.

Je lui clouai le bec. Il n’osa piper mot. Je poursuivis, provocatrice :

  • Tu es certain d’avoir bien cherché ? 

Quelqu’un s’approcha au même moment de Adley. Je pris du temps pour me rendre compte qu’il s’agissait d’un serveur. J’en profitais pour allumer une nouvelle cigarette. Adley s’excusa auprès de moi, se leva et alla discuter à quelques mètres plus loin avec le garçon. J’essayai, l’oreille indiscrète, d’arracher quelques bribes de leurs conversations. Ce fut peine perdue. J’eus honte. Doublement !

Lorsque quelques minutes plus tard il reprit place sur notre table, il parut bien plus détendu. Mais il resta muet. J’entrepris donc de poursuivre avec les aveux choquants. 

  • Après un mois passé dans la maison de ma mère où je profitais pour écrire et lire, j’étais subitement envahi par l’idée de toi. Tu occupais mon esprit et m’empêchais de trouver le sommeil. Envahie par les remords, je me disais qu’il était insensé qu’une si longue relation d’amitié et d’amour finisse de la sorte. Parce que oui, tu étais mon âme sœur, Adley. Tu étais le seul en qui j’avais toujours eu confiance, qui avais toujours compris quand je n’allais pas bien. Nous avions toujours été différents sur plusieurs points. Alors que tu m’apprenais la discipline et l’esprit de compétition, je m’étais toujours évertué à te donner une part de moi, cette part de folie et de spontanéité. Nous étions différents, mais nous nous complétions si bien. 

« J’attendis encore une semaine. Je m’étais dit : « s’il ne m’écrit pas cette semaine, j’irai vers lui, je ferai taire en moi mon orgueil. Je ferai ma capricieuse, je lui dicterai mes règles, je lui ferai un peu souffrir. Mais au bout du compte, j’aurai ce que je veux : sa joie contagieuse, sa bonne humeur qui me fait me sentir chez moi, son côté enfantin qui m’apaise et ses yeux qui m’invite à me rendre partout mais avec lui. C’était toi ma maison, Adley. C’était toi mon ancre, le rocher qui me protégeait. Tu avais des défauts, bien trop de défauts ! Tu avais ce côté trop rigide qui m’exaspérait, tout pour toi était soit blanc soit noir, et tu n’as jamais aidé dans les tâches ménagères, mis à part la cuisine bien sûr ! Bref, je me perds un peu en ce moment, mais j’étais prête à revenir vers toi. Ma décision était déjà prise. »

  • Mais tu ne l’as jamais fait, me dit-il avec une profonde tristesse. Jamais. 
  • Non. J’avais appris que tu t’étais mis en couple avec Vanessa.

Il baissa la tête à nouveau, confus et honteux. 

  • Vanessa. Ton ex. 

Il persista dans son silence. 

  • Je ne pouvais plus revenir. Tu avais fermé toutes les portes, Adley. Et quand j’ai appris que Vanessa attendait un enfant de toi, je sus qu’il était vraiment venu le moment pour moi de faire le deuil de ce qui avait été notre relation… 

Il resta muet, comme s’il eût voulu éviter de dire quoique ce soit de mauvais. Il semblait abattu, comme un soldat qui a mené plusieurs guerres et qui revient chez lui pour se rendre compte que sa maison ne ressemble plus à ce qu’il avait jadis connu. Je ne dis rien, respectant son silence comme je l’avais toujours fait. Moi qui l’ai soutenu dans ses plus noirs moments, j’eus envie de lui prendre dans mes bras pour lui dire que j’étais désolée de mentionner le nom de Vanessa. Parce qu’en fait, je savais que j’avais touché une corde sensible de son passé.

  • Tu savais que ma fille est morte le jour même qu’elle est venue au monde ?
  • Je sais, lui répondis-je.
  • Tu sais aussi ce que Vanessa a fait ?
  • Je sais, lui répondis-je à nouveau. 

Il passa une main sur son visage.

  • C’est comme si la vie s’acharnait sur moi, comme si elle me faisait payer tout le mal que j’avais fait de toute mon existence. Mille fois je me suis posé la question et mille fois j’ai eu une réponse différente : Pourquoi la vie s’évertue-t-elle autant à déverser des torrents de soleil sur la tête de ceux qui ont longuement prié pour que vienne la pluie ? Mais au final, toutes les réponses que j’ai eues m’ont fait comprendre une chose : Je payais pour tout le mal que je t’avais fait endurer.

J’eus un geste de recul, choquée par son aveu.

  • Ne dis pas de telles atrocités, Ad. Je t’en prie, ne dis plus jamais ça.

Je ne m’étais même pas rendu compte que je venais de l’appeler par le sobriquet qu’il avait toujours préféré. Je repris :

  • Ne dis plus jamais ça. Je t’en prie. Je t’en conjure. 
  • Mais c’est vrai, Néhémia. J’ai eu ce que je méritais. Oh, Seigneur ! je l’ai bien cherché ma misère ! 

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À suivre…

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4 commentaires
  1. Daphkar dit

    J’ai vraiment aimé cette partie bien plus que la première. J’ai été plongé dans le recit et ca m’a vraiment plu

  2. Danielle dit

    Ce que tu écris est magnifique, tu es très talentueux vivement la suite.

  3. Vico Allen dit

    Vanessa 🤕bay problème
    Si non j’ai eu un bon moment de lecture🤜🤛

  4. NSC dit

    Adje!!
    Émotions de partout.
    Je suis triste moi-même, pa ta di se mwen ki te nan relasyon an.

    Parfait travail.

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