De : Ronald LAVENTURE
Député de la commune de Saint-Marc
14, Rue Louverture Elma, Saint-Marc (Haïti)
+509 38 00 00 00
À : Donald TRUMP
Président des États-Unis d’Amérique
En ses bureaux
Son Excellence Donald TRUMP,
C’est pour moi un honneur de pouvoir vous adresser cette lettre. Ne pensez pas que je vous flatte en vous disant ça. Je ne veux que respecter les bonnes manières. En plus, quand on dirige la première puissance mondiale, ça veut dire beaucoup. Vous avez une grande responsabilité sur le dos. Je ne peux même pas imaginer la pression que vous subissez. Bref. Ce n’est pas ici le sujet de ma lettre. Monsieur Trump, ça fait longtemps que je veux vous adresser ces quelques lignes. J’ai longuement réfléchi, voulant être sûr de faire le bon choix. Il y a de cela quelques temps, vous avez traité Haïti, quelques pays africains et antillais de pays de merde. J’ai pendant longtemps analysé vos propos avant de réagir et pesé la gravité de vos paroles. Je ne sais pas si vous en avez conscience, mais, Monsieur le Président, mais vos propos étaient odieux. C’est une insulte. Vous êtes peut-être un bonhomme sans conscience que personne ne peut conseiller, car sinon j’imagine que vous auriez fait des excuses en public. Personnellement, je ne vous ai jamais apprécié. Si vous parlez ainsi en public, je ne veux même pas imaginer ce que vous dites en privé à votre femme et vos enfants. Vos employés sont peut-être à bout et ne vous ont pas déjà envoyé bouler parce qu’ils ont peur de perdre leur emploi. Vous et votre tête de maïs ne me revenez pas depuis le début. Mais de là à penser que vous iriez jusqu’à insulter les gens, c’est inimaginable. Déjà, j’ai des doutes sur votre élection. Il n’y a pas que moi d’ailleurs. Même votre peuple doute de vous. Il paraît que c’est Mme Hilary Clinton qui a gagné les élections. Perso, je ne me fiche pas mal de qui a gagné ou pas. Vu ce que le mari de votre adversaire avait fait à mon peuple, je détesterai la famille Clinton pendant au moins 5 générations. Monsieur le Président, il paraît que vous avez l’habitude d’aller dans des bordels en Russie et coucher avec des mineures. C’est ce qu’on dit. La rumeur raconte même que vous n’êtes qu’une marionnette dont les ficelles sont tirées par Vladimir Poutine. Dites-moi comment c’est. Je n’y suis jamais allé. Heu… Pas dans un bordel. Je me suis rendu dans plusieurs bordels. Surtout quand ma femme est absente. Ce qui veut dire souvent. Car ma femme vit au Canada avec mes enfants. Je parlais de la Russie. Je n’ai jamais eu des mineures dans mon lit non plus. Je préfère les femmes mûres. Je ne dis pas que les mineures sont sans expériences. Il y en a qui ont déjà livré plus de combats que leur mère, leur grand-mère et leur arrière-grand-mère réunies. Comment c’était ? Il paraît que vous l’avez fait à plusieurs reprises, donc ça a dû être délicieux. Qui se remettrait à quelque chose qui ne lui convient pas où ne lui fait pas plaisir ? Je compte bien me rendre là-bas pendant les vacances. Si vous avez une pute à me référer, je vous en serais reconnaissant. Je serai nouveau là-bas, et je ne voudrai pas coucher avec n’importe qui. La première expérience compte plus que tout. Vous devriez visiter Haïti un de ces jours, Monsieur le Président. Puisque vous aimez tant les bordels, vous en trouverez chez moi. Il y a de bonnes putes. Je les connais presque toutes. Et j’ai déjà passé au moins une nuit avec chacune d’entre elles. Je pourrai vous en apporter quelques-unes. Je ne vous parle de ces prostituées que l’on croise sur les trottoirs avec qui on peut passer du bon temps pour une bouchée de pain. Je parle de celles qui ne couchent qu’avec les hommes importants. Si c’est les mineures que vous préférez, je connais un ami qui vous en apportera. Il pourra même vous trouver des filles vierges. Il suffit de lui donner quelques billets. Je ne sais pas pourquoi vous prenez autant de plaisir avec les fillettes. Dans mon pays, les pédophiles ont l’habitude de dire « Tout ti krab fè legim », ou « Depi ti kabrit la fè kòn li ka kòche ». Comment on dit chez vous ? Si par hasard vous lisez ma lettre, même si vous ne prêtez pas attention à tout ce qui est écrit, au moins parlez-moi de vos expériences en Russie avec les fillettes. Vous devriez avoir du cran, Monsieur Donald Trump. Il y a tellement de lois sur la pédophilie chez vous et chez Poutine. C’est tellement difficile de s’échapper des mailles du filet. Est-ce que votre femme est au courant ? Mais qu’est-ce que je raconte ? Personne ne peut faire taire la rumeur. Mais est-ce qu’elle sait que tout ceci est la vérité ? Et vos enfants ? Que leur dites-vous quand vous partez en voyage ? En passant, il paraît que votre épouse veut divorcer. Vous savez, il ne faut pas vous laisser emporter. Tout ce qu’elle veut, c’est un peu d’attention. Les femmes sont comme ça. Même pour rien, elles disent vouloir le divorce. Je sais ce que je dis. La mienne me fait ce coup à chaque fois. Mais il suffit que je lui donne un peu de fric pour faire du shopping et elle change d’avis. Un jour, elle avait fait un scandale parce qu’elle me soupçonnait de la tromper. Elle est allée chez sa mère, et y est restée toute une semaine. Pour la reconquérir, j’ai dû lui offrir une nouvelle voiture. Vous auriez dû voir ses yeux quand je lui ai fait cadeau de cette merveille. Elle a même pleuré de joie. J’ai aussi donné un chèque bien gras à la vieille mégère qui lui sert de mère. Elle m’a dit d’emporter ma femme et de l’emmener loin. J’ai dû me retenir pour ne pas rire pendant qu’elle me parlait. Pourquoi ? Parce qu’elle est édentée.
Pardonnez-moi, Monsieur le Président, de m’égarer ainsi. J’ai la plume facile, et je suis un peu bavard. Dès que je commence à aligner quelques lignes, j’ai tendance à me laisser emporter par la cadence des mots. De quoi voulais-je vous parler au début ? Ah ! Oui ! Pays de merde : tel était le sujet. Je ne sais pas grand-chose de vous, à part le fait que vous êtes riche, et président d’une grande nation. Rassurez-vous, je ne vais plus vous parler de putes. J’ignore si vous êtes homme de lettres, historien, ou si vous avez une grande culture. Mais même si tout ce que vous sauriez de l’histoire, c’était seulement écrire le mot, vous entendrez quand même parler de celle de mon peuple. Je suis haïtien de pur-sang. Le troisième né d’une famille de treize enfants. Né d’un père cordonnier et d’une mère sans emploi jusqu’à sa mort. Mais malgré la misère de mes parents, il y avait une chose dont ils étaient toujours fiers et me parlaient régulièrement : notre histoire. Mes parents, malgré leur situation misérable, m’ont envoyé à l’école. C’est là que je suis tombé amoureux de tous ces personnages dont on me parlait pendant les cours : Marie-Jeanne, Dessalines, Christophe, Claire-Heureuse… Nous autres, Haïtiens, sommes les descendants d’africains que les français ont fait venir à Saint-Domingue (actuelle Haïti) pour servir comme main d’œuvre. Ils ont traité nos ancêtres comme des biens. Ils étaient maltraités, mal nourris, mal vêtus. Quelqu’un a dit « Mettez l’homme dans une situation pareille à celle d’une bête et il ne lui restera que deux choix : accepter d’être une bête ou se révolter. » Je ne sais pas si j’ai répété la phrase de l’auteur mots pour mots. Et je ne me souviens pas non plus du nom de celui qui a dit ça. Tout ce qui compte c’est que c’est joli. Les esclaves ont fini par se rebeller contre le système colonial esclavagiste. Pas besoin de vous citer les dates. De vous expliquer les événements et les batailles. Tout ce que vous devriez savoir, c’est que les va-nu-pieds, les moins-que-rien, les bêtes ont mis en déroute la plus grande armée d’alors, qui était bien vêtue et avait des soldats armés jusqu’aux dents, alors qu’eux n’avaient que quelques fusils, des bâtons, des pierres, des outils de jardinage… Notez ces quelques noms et demandez conseil à quelqu’un qui s’y connaît en histoire : Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines, Alexandre Pétion, Henri Christophe, Capois La Mort. Le 1er janvier 1804, l’indépendance d’Haïti a été proclamée. Désormais, la nation était libre. Dessalines fut proclamé Gouverneur Général à vie du nouvel état. Haïti fut la première République noire indépendante au monde. Et des années plus tard, le pays servira d’exemple à d’autres dans la quête pour la liberté. Il y a tellement de choses que vous ignorez Monsieur le Président. Comme par exemple que Dessalines a déclaré que quiconque, étant esclave, se réfugiait en Haïti, serait libre et intouchable. Imaginez l’enjeu. De l’autre côté de l’île, les Espagnols tenaient des esclaves en captivité. L’un d’eux n’avait qu’à passer la frontière, et ses chaînes tomberaient. Je sais ce que vous vous dites, Monsieur Trump. Et vous avez raison. Ce Dessalines avait du cran. Le 21 juin 1821, suite aux précieux conseils et les munitions de Pétion, Simon Bolivar proclama l’indépendance de la Grande-Colombie, qui donnera naissance au Vénézuela, à l’Équateur, à la Colombie et au Panama. Il lui avait même donné quelques hommes. Et pendant la seconde guerre mondiale, Haïti a servi de refuge à de nombreux juifs persécutés par le gouvernement allemand. Vous en voulez encore Monsieur Trump ? Ce n’est pas trop pour la patate qui vous sert de cerveau à l’intérieur de votre tête de maïs ? Je ne sais pas ce que vous diront les autres peuples que vous avez insulté. Mais moi, j’ai décidé de plaider au nom du mien. Lisez bien ce résumé de notre grande histoire, et dites-moi si c’est à ça que ressemble un pays de merde. Peut-être que vous étiez ivre. Peut-être que vous ne mesurez pas le poids de vos paroles. Je vous laisse le bénéfice du doute. Votre pays a fait couler le sang partout. Vous avez assassiné des gens au nom de la liberté. Vous dites détester le terrorisme, mais vous êtes le plus grand terroriste économique. Sans oublier que vous avez occupé ma patrie pendant des années. Vous avez dit vouloir rétablir la paix, mais vous avez amené des marines bien entraînés et bien armés et un bateau de guerre. Vous avez humilié ma nation, souillé nos femmes, persécuté ceux qui ont protesté contre l’occupation, tué des paysans, des étudiants, et emporté notre réserve d’or vers votre pays. Tout ça au nom de la paix. Ne savez-pas tout le mal que vous avez causé dans le monde ? Les massacres en Philippines, les génocides en Corée, en Yougoslavie, au Viêt-Nam, les mauvais traitements que vous avez infligé à vos prisonniers en Irak, les crimes de guerre en Afghanistan et j’en passe. Avant de dire du mal des autres, regardez-vous dans un miroir, et demandez-vous si vous-mêmes vous n’êtes pas une pourriture. Vu tous les deuils dont vous avez été la cause, ne pourrait-on pas dire que les États-Unis est un pays de merde ? D’ailleurs, quel pays est de merde ? Pendant que vous allez y réfléchir, sachez que, Monsieur le Président de la plus grande nation du monde, que mon pays est un pays de liberté, et non de merde. Vous n’avez jamais été à Savannah, en Géorgie, plus précisément à Franklin Square ? Allez y faire un tour et vous comprendrez le sens du mot liberté. Je ne voudrais pas paraître odieux, mais permettez-moi de vous dire une chose : merde vous-même. Je n’ai plus aucun respect pour vous. Comme vous non plus n’avez eu de respect pour ma nation. D’ailleurs, je l’encule profondément votre respect comme vous enculez les mineures en Russie.
J’espère, Monsieur le Président, que ma lettre vous tape sur les nerfs. Vous avez sûrement envie de vous retrouver en face de moi, et de m’étrangler. Ou bien il vous prend l’envie de bombarder ma patrie jusqu’à ce que périssent tous les habitants. Au mieux, vous ne lirez plus ma lettre. Que vous continuez la lecture ou pas, je ne vais pas m’arrêter là. Je n’en ai rien à cirer de vous. Je ne suis peut-être pas riche comme vous, mais je ne manque de rien. Mon poste de député me rapporte gros. Et je sens que je ne vais pas tarder à devenir vraiment riche. Vous ne me croyez sûrement pas. Alors je vais laisser parler les chiffres. Dès ma prestation de serment, le 2ème lundi du mois de janvier, j’ai eu droit à une somme 700 000 gourdes comme « frais de première installation ». Comme j’habite à Saint-Marc, et que le siège du Parlement se trouve à Port-au-Prince, je reçois annuellement un million de gourdes du trésor public pour que je puisse me doter d’une nouvelle résidence. Et on m’alloue 29 000 dollars américains comme subvention pour l’achat d’un véhicule. À tout cela ajoute 15 000 gourdes par mois en coupon de carburant, 50 000 gourdes par année pour réparer la voiture, 75 000 annuellement pour changer pneus et batterie, 10 000 gourdes en carte de recharge chaque mois, 100 000 gourdes annuellement pour le loyer d’un local devant servir me de bureau, 200 000 gourdes pour payer les employés de ce bureau, 70 000 gourdes par mois pour les fêtes patronales, 25 000 gourdes par mois pour payer mon chauffeur et chacun de mes deux agents de sécurité, 48 700 gourdes pour chaque consultant (j’en ai droit à quatre), 21 000 gourdes pour chacun des deux conseillers auxquels j’ai droit. Est-ce que j’ai déjà parlé de mon salaire net ? Non. Je ne crois pas : 61 521 gourdes mensuellement. Sans compter les frais fixes mensuels de 29 400 gourdes qui ont augmenté de 5 000 gourdes puisque je suis président d’une commission. En plus, pendant la rentrée des classes et la fête de Pâques, je bénéficie d’une somme de 500 000 gourdes. Et si ma fonction exige que je parte à l’étranger, j’ai droit à un per diem de 400 dollars américains quotidiennement. Alors, Monsieur le Président, c’est monstrueux comme chiffre, n’est-ce pas ? J’imagine la tête que vous feriez en lisant ça. Et je ne vous parle pas des sénateurs. Ils veulent garder le secret sur tout l’argent dont ils bénéficient. Mais j’ai un ami au Sénat qui m’a avoué avoir reçu l’an dernier un million de gourdes pour les fêtes de Pâques, un million pour des activités socioculturelles, un million pour la rentrée des classes et un million pour les fêtes de fin d’année. Soit 4 millions de gourdes pendant l’année. Le plus amusant, c’est qu’on ne leur demande aucun rapport sur l’utilisation de cet argent. Ils peuvent en faire ce que bon leur semble. Incroyable mais vrai. Alors qu’en dites-vous Monsieur le Président ? Vous pensez toujours ce que vous avez dit ? Votre opinion n’a pas changé ? Laissez-moi vous dire une chose. Au fait deux. Primo, merde vous-même. Secundo, nous ne sommes pas un pays de merde, mais un pays de fric.
J’aurais aimé que ça dure longtemps, Monsieur le Président, mais là, il y a ma femme qui m’appelle. Je lui avais promis de l’emmener à une soirée. Elle est déjà prête, toute belle dans sa robe qui lui va comme un gant. Je dois donc mettre fin à cette lettre. Je sais que je pourrais continuer une autre fois, mais je vais probablement perdre le fil. En plus, vu le taux d’alcool qu’il y aura dans mon sang après cette soirée, mon cerveau arrêtera de fonctionner pendant une semaine. J’espère que j’aurai l’occasion de vous écrire. Con comme vous êtes, vous allez faire une connerie dans quelques jours et je serai obligé de vous réprimander encore une fois. J’espère que ma lettre vous énerve au plus haut point. En attendant une réponse cinglante de votre part, veuillez recevoir l’expression de mes sentiments distingués que je pourrais vous exprimer avec un doigt d’honneur.
Ronald LAVENTURE
P.S : Vous n’avez aucun moyen de pression sur moi car ma femme et mes enfants n’habitent pas aux États-Unis, mais à Cuba. (Je vous ai eu.)
King Berdji Estiverne
Toutes mes félicitations!! Comme à chaque fois j’ai été content de lire chaque mot, j’aime la façon dont tu as utilisé les mots pour raconter la réalité des politiciens haïtiens corrompus merciiiiiiiiii.